L’édition 2021 du rapport de l’Observatoire des inégalités contient un focus sur les conséquences du Covid, révélateur et amplificateur des inégalités, même si Louis Maurin, son directeur, avertit du « manque de données » et recommande la prudence pour interpréter les files d’attentes à l’aide alimentaire. « À la fin de l’année 2020, la crise [n’a] eu aucune conséquence sur les revenus de la très grande majorité de la population ».
Deux amortisseurs ont joué un rôle majeur : « d’une part le modèle social et d’autre part la conversion à la dépense publique » (200 Md€). Reste que les salariés les plus mal payés passés par la case du chômage partiel, ceux qui ont perdu leur emploi ou les indépendants sont perdants. En 2020, le nombre de foyers allocataires du RSA a augmenté d’un peu moins de 150 000, ce qui représente environ 300 000 personnes au total dépendant de l’allocation.
Taux de pauvreté de 8,2 %
Les inégalités de revenus croissent depuis le début des années 2000, « avec depuis 2017-2018, une augmentation nette, les mesures fiscales [ayant] amélioré la situation des plus riches », selon Anne Brunner, directrice d’études de l’Observatoire.
Le taux de pauvreté, dont le seuil est fixé à 50 % du niveau de vie médian par l’organisme, est de 8,2 % en 2019 (+0,5 point en dix ans) ce qui représente 500 000 personnes supplémentaires. Le taux de pauvreté des jeunes de 18-29 ans progresse de plus de 50 % entre 2002 et 2018 (12,5 %). Les jeunes actifs ont payé le plus lourd tribut au Covid en matière de revenus en raison de la perte d’un contrat précaire et de l’absence d’indemnités chômage.
52,7 % des 15-24 ans en contrat précaire
Au plan des inégalités éducatives, les parcours scolaires et l’orientation des élèves restent largement liés à leur appartenance sociale. En outre, 8 % des 18-24 ans sortent du système scolaire sans diplôme ou avec seulement le brevet, un fort handicap dans le parcours de ces jeunes. 28 % des actifs de moins de 30 ans détenteurs du seul brevet cherchent un emploi.
Lorsque les 15-24 ans travaillent, ils sont, « de plus en plus souvent, et longtemps » précaires : 52,7 % ont un contrat à durée déterminée ou en intérim en 2019 (+ 5,7 points par rapport à 2009). Sans réforme d’un « système éducatif très concurrentiel, qui favorise les mieux dotés au départ », « il ne devrait guère y avoir d’évolution » dans les prochaines années, estime le rapport.
Quel monde d’après ?
« La crise sanitaire a souligné les inégalités préexistantes (logement, travail domestique, etc.) » et l’Observatoire prévoit une absence d’amélioration « d’autant que le ralentissement économique, qui touche en particulier les classes populaires, a et aura un impact sur leurs conditions de vie ».
Les inégalités liées au travail et au mode de vie s’illustrent par un taux de chômage cinq fois supérieur chez les ouvriers par rapport aux cadres et une pénibilité au travail plus forte chez les premiers. 42 % des salariés déclarent un travail répétitif en 2016, soit 14,3 points de plus qu’en 2005. En matière d’évolution, « rien n’indique que l’on se dirige ensuite vers une réduction de la précarité et des inégalités dans l’emploi » dans le monde d’après.
Inégalités et pauvreté près de chez vous
Dans sa volonté de fournir une analyse la plus complète possible de l’état des lieux des inégalités en France, l’Observatoire propose un chapitre « Territoires ». On y apprend par exemple que les Pays de la Loire, la Bretagne, la Normandie et le Centre-Val de Loire sont les régions les moins inégalitaires. Le rapport signale deux formes d’inégalités territoriales : par le haut (comme Paris et les Hauts-de-Seine), parce que les riches sont très riches, et par le bas (comme la Seine-Saint-Denis et les DOM), parce que les pauvres y sont particulièrement pauvres. Les données relatives aux régions et villes inégalitaires, aux quartiers de la politique de la ville et à l’Outre-mer pointe « la nécessité de mettre en place des solidarités entre territoires et des interventions publiques là où les choses vont le plus mal ».
L’Observatoire propose des « fiches territoires » réalisées à la demande sur la situation des inégalités dans une commune, une métropole ou un département et l’évaluation de l’impact local de la pauvreté.
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