En langage technocratique, on appelle cela « la convergence indiciaire ». En langage courant, on parlerait d’augmentation générale des salaires. Dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, dont les principes ont été validés par le conseil des ministres, le 2 juin, l’exécutif a décidé de relever substantiellement les salaires des hauts cadres de l’Etat. Selon nos informations, l’enveloppe affectée à cette revalorisation sera de 6 millions à 8 millions d’euros, dans un premier temps. Et cela concernera, peut-être même avant la fin de l’année, 1 620 administrateurs civils.
Ces agents exercent des fonctions supérieures d’encadrement, de direction, d’expertise ou de contrôle dans les administrations de l’Etat. Ils sont issus de l’Ecole nationale d’administration (ENA) mais pas seulement. La réforme de la haute fonction publique entraîne la disparition de leur corps. A partir de 2022, ils appartiendront comme la plupart des cadres de l’Etat sortant de l’Institut national du service public (INSP) à un nouveau corps : celui des administrateurs de l’Etat.
Or, l’un des objectifs de la réforme est de dynamiser la mobilité des hauts fonctionnaires. Les parcours devraient dorénavant se dérouler en fonction des aspirations et du mérite de chacun, et non plus selon les règles rigides d’un corps. Mais « le gouvernement a lancé une réaction en chaîne, note Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS et politiste au Centre d’études de la vie politique française de Sciences Po (Cevipof). Puisqu’il veut mettre en place une fonction publique de l’emploi [et non de corps], il doit harmoniser les conditions de travail, les rémunérations des cadres. Sinon, tout le monde voudra aller sur les mêmes postes, les mieux payés, et y rester… »
De fait, aujourd’hui, la différence de rémunération peut aller jusqu’à 25 000 euros par an selon les ministères. Il s’agit d’un cas extrême. Pour la très grande majorité des administrateurs civils, elle est plutôt de 10 000 euros. Car outre la grille des salaires, les fonctionnaires perçoivent des primes. « A Bercy, la situation est privilégiée, rappelle M. Rouban. Ce n’est pas du tout la même chose aux affaires sociales… »
« On ne peut pas faire concurrence »
Par ailleurs, relève le chercheur, l’élite administrative est très attachée aux attributs de la « noblesse de robe » à laquelle elle appartient. Cela fait partie de la reconnaissance symbolique. « C’est pour cela que la notion de corps est précieuse, souligne-t-il. C’est une culture d’Ancien Régime : vous appartenez à un monde fermé de gens de qualité. » Or, la réforme d’Emmanuel Macron s’attaque à ces symboles. Et il est donc d’autant plus important de renforcer une autre partie de la reconnaissance sociale : le salaire.
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