La Croix : La présence d’un accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) auprès d’un élève en situation de handicap est-elle toujours nécessaire ?

Marc Blin : En mettant a priori un AESH auprès d’un enfant, on considère que c’est le diagnostic qui prescrit la nécessité de l’accompagnement et on ne s’interroge plus sur ses besoins particuliers, sa singularité.

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Si l’on pouvait, dans un premier temps, accueillir l’élève, comme tous les autres, pour identifier les ressources éventuellement manquantes, alors on pourrait, ensuite, solliciter l’expertise des familles et décider, si nécessaire, d’un temps d’AESH dont on pourrait définir beaucoup plus clairement le contour et les missions en concertation avec l’équipe pédagogique.

Ces accompagnants se plaignent souvent d’être insuffisamment formés à la diversité des handicaps…

M. B. : Des progrès ont été faits. Mais les 60 heures obligatoires de formation à l’entrée dans la profession ne sont pas pensées et organisées de la même manière sur tout le territoire. Certaines académies proposent des espaces de réflexion sur les pratiques professionnelles et une aide pour aller chercher des ressources. Même si une formation exhaustive n’existe pas, ce qui est valable pour tous les métiers de l’accompagnement, cette enveloppe horaire reste insuffisante.

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La fragilité du statut de ces accompagnants n’est-elle pas le reflet de celle de l’école inclusive à la française ?

M. B. : Les AESH sont effectivement fragiles sur le plan institutionnel (salaire, statut, absence de qualification pré-requise) mais aussi dans les classes où ils interviennent. Comment développer une estime de soi professionnelle quand on ne vous intègre pas aux équipes de suivi de scolarité de l’enfant ? Ou qu’on vous interdit de parler avec les parents ? On leur demande de réussir l’inclusion en leur donnant une place souvent étriquée. Même si cela se passe bien dans la majeure partie des cas, il arrive que des enseignants relèguent le binôme AESH-élève au fond de la classe ou ne participent simplement pas à l’effort pédagogique.

Est-ce à dire que l’école inclusive n’est pas encore une réalité ?

M. B. : On n’y est pas encore car cela nécessite un profond changement de culture. Un enfant porteur d’une déficience intellectuelle est forcément plus lent que les autres, en décalage dans les apprentissages. Il faut s’y adapter plutôt que de penser que la référence au programme reste de rigueur.

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Il convient d’aider les enseignants à ne pas penser trop fréquemment « compensation ». Je pense, entre autres, à une directrice d’école qui accueillait un élève de petite section de maternelle avec trisomie 21. Un mois après la rentrée, elle demandait en urgence une chaise d’enfant avec accoudoirs pour les temps de regroupement en classe car il ne cessait de tomber du banc. Si elle avait pensé à placer cet élève au milieu des autres enfants et pas au bout du banc, elle aurait pu observer si ces chutes étaient un « choix comportemental » ou un effet du système.