Dans la cour de récréation, une partie des CM1 et CM2 de l’école Diwan de Rennes profitent de la pause ensoleillée autour d’une partie de foot originale. Deux équipes, garçons et filles mélangés, deux ballons… « Les élèves ont inventé les règles eux-mêmes, commente Pascale Perrin, leur professeure. Ils trouvent ça plus intéressant qu’avec une seule ba… » Elle s’arrête net pour sermonner un élève grimpé à un arbre, « Christiano, diskenn ! » (« descends ! »), et répondre à un autre qui demande dans un breton presque courant : « Gallout a ran mont d’ar privezioù ? » (« je peux aller aux toilettes ? »).
Deux ballons donc, pourquoi pas, à l’image de ces deux langues avec lesquelles les 160 élèves de l’école, répartie sur deux sites, jonglent ici de la maternelle jusqu’au CM2 : le français reste à la maison, la majorité des familles étant non « bretonnantes », et le breton le remplace quasi intégralement en classe, dans les cours de maths, d’histoire-géo, de sport, à la cantine, à la récré et même pendant les activités périscolaires.
Bref : « Ici, le breton est la langue d’usage et d’enseignement partout à l’école », résume Pascale Perrin, selon le principe de la « pédagogie immersive » qui, contrairement à l’enseignement bilingue, ne vise pas la parité horaire entre les deux langues. Là est la marque de fabrique du réseau Diwan (« germer », « sortir de terre » en breton) fondé en 1977 et fort de plus de 4 050 élèves, 48 écoles, 6 collèges (dont un collège-lycée) et un lycée. Tous ou presque sont des établissements privés (associatifs) sous contrat avec l’Etat, dispensant un enseignement laïque et gratuit.
Mais la pédagogie utilisée, visant à renforcer l’usage du breton dès l’école, est désormais « contraire à la Constitution » et à son article 2, qui fait du français la langue de la République, selon une décision du Conseil constitutionnel du 21 mai. Celle-ci est tombée comme une massue sur la tête des personnels, élèves et familles des écoles Diwan, comme celle de leurs homologues des écoles Ikastolak dans le Pays basque, Bressola en Catalogne française, Calandreta en Occitanie ou A.B.C.M. Zweisprachigkeit en Alsace. Une véritable douche froide après l’adoption début avril de la loi « Molac » (sur laquelle statuait le conseil constitutionnel) qui visait justement à préserver les langues régionales… Dans le contexte politique inflammable des prochaines élections régionales, Emmanuel Macron indiquait le 26 mai avoir « demandé au gouvernement et au Parlement de trouver les moyens de garantir [la] transmission » des langues régionales notamment par les 180 écoles immersives françaises. Pas de quoi les rassurer pour l’instant.
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