Il peut paraître surprenant d’attendre la dernière année d’un quinquennat pour convoquer des « Etats généraux de la justice », après avoir fait voter une loi de programmation et de réforme de la justice, un nouveau code de la justice pénale des mineurs, un budget en hausse historique pour 2021, une loi sécurité globale, des lois contre les violences conjugales, les crimes sexuels sur les mineurs ou le terrorisme et, bientôt, une loi pour la « confiance dans l’institution judiciaire ». Et il semble osé de faire le pari d’une réflexion consensuelle et apaisée sur un sujet aussi inflammable à l’approche de l’élection présidentielle de 2022.
L’annonce surprise faite par un communiqué de l’Elysée, samedi 5 juin, est tombée le lendemain d’un entretien entre Emmanuel Macron et les présidents du Conseil supérieur de la magistrature, organe constitutionnel chargé en particulier de veiller à l’indépendance de l’autorité judiciaire, Chantal Arens et François Molins.
Respectivement première présidente de la Cour de cassation et procureur général auprès de la haute juridiction, ils avaient écrit le 25 mai au président de la République pour solliciter un rendez-vous « rapidement » à un moment où l’institution judiciaire fait l’objet de vives critiques. La manifestation des policiers du 19 mai avait en particulier repris un slogan selon lequel « le problème de la police, c’est la justice », tandis que de nombreux responsables politiques ont dénoncé qui le laxisme de la justice, qui le manque d’humanité des juges.
Sentiment d’abandon et de colère
« Désespérance collective » : l’expression utilisée lors de cet entretien par Mme Arens au sujet de l’état actuel des magistrats et personnels de justice a fait mouche auprès du chef de l’Etat et sa proposition de convoquer des Etats généraux a été reprise au bond. Alors qu’elle se rend fréquemment, comme M. Molins, dans des juridictions en province et réunit régulièrement les présidents de cour d’appel, elle a senti un sentiment d’abandon que l’outrance de certaines attaques récentes a doublé d’une colère. Le projet de loi « confiance » actuellement soumis au Parlement par le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, présent à l’entretien de vendredi à l’Elysée, n’est pas de nature à répondre à ce problème plus profond.
« Les critiques récurrentes et chaque fois un peu plus violentes (…) sont d’autant plus graves quand elles émanent des politiques », Francois Molins, procureur général de la Cour de Cassation
Il vous reste 67.4% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.