« Si ça continue, on ira toquer à la porte du privé… » Dans le secret de leur bureau, il n’est pas rare, confient des chefs d’établissement, que l’argument soit agité par des parents mécontents. Derrière le « ça », un professeur absent, une méthode qu’ils réprouvent, des tensions entre élèves… Parfois aussi, ces derniers mois, des fermetures de classes au gré de la circulation du Covid-19. Ou des emplois du temps « en pointillé », source d’inquiétude dans les foyers.
« Cette façon de mettre en concurrence public et privé n’est pas nouvelle », objecte Bruno Bobkiewicz, tout juste porté à la tête du syndicat de proviseurs du public SNPDEN-UNSA. « Que certains parents puissent considérer l’éducation comme un marché ne nous étonne plus. Mais il est vrai que l’épidémie n’a rien arrangé, observe ce proviseur à Vincennes (Val-de-Marne) : le maintien des cours à 100 % en présentiel dans certains établissements, quand d’autres ont respecté à la lettre la recommandation de la demi-jauge, peut nourrir ce type de discours. »
Ces parents sautent-ils le pas pour autant ? Dans les rangs de l’enseignement catholique, la réponse est prudente : si « effet Covid » il y a, il se mesurera sur les effectifs « dans un an ou deux », et pas en septembre, explique Philippe Delorme, son secrétaire général.
Impact économique de la crise
Effet « à la hausse », effet « à la baisse » : à ce stade, le patron de l’enseignement privé n’exclut aucun des scenarii. « Oui, des familles viennent vers nous en nous disant qu’elles ont entendu parler de la manière dont nos équipes se sont mobilisées pendant la crise. Mais nous ne sommes pas à l’abri de l’effet inverse : l’impact de la crise sur les revenus de certains foyers – des artisans, des restaurateurs, des commerçants – peut aussi conduire à une baisse des inscrits. »
L’enseignement catholique en a fait l’expérience en septembre 2020, première rentrée touchée par le Covid-19 : face aux incertitudes économiques, des familles avaient préféré annuler ou retarder leur inscription dans le privé, et s’épargner des frais de scolarité variables d’un établissement à l’autre.
Si les pronostics sont prudents, l’évolution démographique générale est, elle, connue : selon le service statistique du ministère de l’éducation, on comptabilisera à la rentrée quelque 89 000 écoliers en moins, public et privé confondus (du fait de la baisse de la natalité depuis 2010), contre 43 400 collégiens et lycéens supplémentaires. « On s’attend mathématiquement à accueillir moins d’élèves au primaire », prévient M. Delorme.
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