Doctorant en sociologie au centre Emile-Durkheim, unité mixte de recherche du CNRS, de Sciences Po Bordeaux et de l’université de Bordeaux, Alban Mizzi est l’auteur d’une thèse actuellement en cours intitulée « Les rationalités agrégées autour de Parcoursup. Double enquête autour d’un dispositif », dirigée par le sociologue Joël Zaffran. Il étudie les modifications des stratégies des candidats et des universités dans la transition postbac qu’implique la mise en place de Parcoursup depuis 2018.
En quoi cette campagne Parcoursup est-elle différente des précédentes ?
La crise sanitaire a d’abord eu un impact sur ce qui se passe avant Parcoursup : les salons de l’orientation et les journées portes ouvertes n’ont pas eu lieu ou alors à distance, dans une approche déshumanisée. Lorsque le projet d’orientation de l’élève n’était pas encore clair, sa construction aura été d’autant plus compliquée.
La spécialité de Parcoursup, c’est le jeu des listes d’attente. Avec la crise, il y a globalement plus de vœux formulés et donc des listes plus longues, dans lesquelles on trouve de très bons candidats, y compris pour des formations dites « non sélectives ». La réforme du lycée rend difficile la pondération des moyennes. Les commissions d’examen des vœux doivent évaluer un niveau global, et les enseignements de spécialité font moins pencher la balance que ne le faisaient les séries L, ES et S. Le classement est donc moins précis et peut créer de la frustration.
Etre un bon élève au lycée n’est plus suffisant pour entrer à l’université, dans une filière « non sélective »…
Au début, les bons élèves pensent qu’ils seront évalués sur une pluralité d’éléments qualitatifs et quantitatifs. Mais à partir du moment où ils sont sur liste d’attente, même ceux qui ne stressaient pas en amont et avaient préparé leur projet motivé de formation avec l’aide de leurs proches et de leurs professeurs, changent de discours. Ils se comparent les uns avec les autres, ils ne comprennent pas que l’un s’en sorte mieux que l’autre et ils finissent par se dire que seules les notes sont prises en compte, et pas l’extrascolaire sur lequel ils avaient en partie misé, comme l’investissement dans une association pour l’environnement ou le fait d’avoir vécu à l’étranger et de maîtriser une autre langue.
Les commissions d’examen des vœux établissent leur classement en deux temps : d’abord celui de l’algorithme, avec la pondération des notes selon des critères préalablement définis. Même les éléments qualitatifs sont transformés en notes : un avis favorable dans la « fiche avenir » donne telle note, le fait d’avoir rédigé un texte dans le projet de formation motivé (et non pas juste quelques mots) donne telle note, etc. En revanche, le contenu de cette lettre, de même que le détail de la « fiche avenir », ne seront lus dans un second temps qu’en cas de candidatures ex aequo, de notes manquantes ou autres particularités.
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