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Témoignage

« Après six ans chez Airbnb, je suis devenu prof en zone prioritaire »

TEMOIGNAGE//  Geoffroy Williamson a eu une carrière bien remplie : mécénat au château de Versailles, expatriation à Tokyo pour être le bras droit du DG de la Tour d'Argent, poste aux débuts d'Airbnb à Paris… Jusqu'au jour où il a « changé de vie ». Il nous raconte comment il a tout quitté pour devenir professeur d'anglais en zone prioritaire.

« Je souhaite que la deuxième partie de ma vie professionnelle ne soit plus consacrée à moi mais aux autres. »
« Je souhaite que la deuxième partie de ma vie professionnelle ne soit plus consacrée à moi mais aux autres. » (Geoffroy Williamson)
Publié le 8 juil. 2021 à 07:00Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:18

« Diplômé de l'école HEC en 2006, après avoir obtenu une maîtrise de droit, j'ai continué tranquillement sur la route toute tracée qui était la mienne, sans me poser beaucoup de questions.

Pour tenter de mettre un peu plus de sens dans ma vie, à l'heure où mes camarades ne résistaient pas aux sirènes de la finance et du marketing, j'ai choisi de rejoindre le château de Versailles, au service mécénat. Recherches de fonds pour les acquisitions, restaurations, expositions, ce métier à mi-chemin entre la culture et les compétences acquises en école de commerce me semblaient suffire à combler toute une vie.

Et puis, j'ai souhaité prendre l'air, aller voir ailleurs si j'y étais. Direction Tokyo et le restaurant étoilé La Tour d'Argent dont une antenne avait été ouverte en 1984. En 2008 donc, me voici bras droit du directeur général. Deux nouveaux univers qui m'étaient jusque-là inconnus, le Japon et la restauration. Tout est à réapprendre et cela me convient alors parfaitement.

Quitter « l'ogre » Airbnb et changer de vie

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Deux ans plus tard, de retour en France, j'intègre une jeune boîte dont beaucoup me promettaient qu'elle ne marcherait jamais. Qu'ai-je à perdre ? Me voici membre de l'équipe Airbnb qui se lance à Paris. Je quitte les plafonds dorés de Versailles et l'argenterie de la Tour d'Argent pour un environnement dans lequel je voulais évoluer depuis longtemps, une start-up.

Attiré par l'ambiance, les relations faciles, l'agilité mais aussi l'intelligence de mes employeurs, je m'essaie - start-up oblige - à pas mal de postes : service qualité, service client, communauté, équipe commerciale, responsable de région, responsable de lancement du nouveau produit « Expériences »…  Ces six années passées chez Airbnb me réjouissent, me stimulent, et le sentiment de faire partie d'une success-story me grise.

Et puis, avec l'arrivée de mon premier enfant qui change mon regard sur le monde, j'ai envie d'autre chose. Moins de « online », moins de « bling » et plus de choses qui nous lient. La lassitude s'étant installée au fil des mois et parce que le petit poucet est devenu ogre, certes un bel ogre mais un ogre quand même, je décide de quitter Airbnb et de changer de vie.

Accepter de baisser son salaire

Après quelques minutes de réflexion avec un coach, apparaît l'évidence. En fait, j'ai toujours rêvé d'être prof. Fasciné par certains de mes profs étant jeune , je mesure l'importance de transmettre, de passer, d'élever des jeunes, leur ouvrir des perspectives, leur donner ce que j'ai reçu, c'est-à-dire beaucoup.

Je souhaite que la deuxième partie de ma vie professionnelle ne soit plus consacrée à moi mais aux autres. Cette décision est libératrice et résout beaucoup de mes questionnements. Le premier obstacle, mental, à surmonter est l'argent. Il apparaît très rapidement que mon salaire chez Airbnb est bien supérieur à ce à quoi je ne pourrai jamais prétendre en devenant professeur.

Et c'est là qu'intervient ma femme, reconvertie elle aussi du marketing vers le spectacle vivant, et qui me rassure. Evidemment qu'on va perdre beaucoup de pouvoir d'achat mais ce que l'on va gagner compensera largement. Cette reconversion se fait donc à deux d'une certaine façon et ça me rassure. Et en effet le gain dépasse de beaucoup la perte. Car se sentir utile, à sa place, observer tous les jours, toutes les heures, l'impact que l'on a sur de futurs adultes est la seule chose réellement valable à mes yeux.

Arrivée en « salle des profs »

A la recherche d'un établissement que je pourrais rejoindre, je découvre Espérance banlieues, un réseau d'écoles qui semble déjà répondre à mes attentes. Le réseau se donne comme mission de répondre à l'urgence éducative et intégrative de certaines zones prioritaires. Je décide de leur écrire et me retrouve dans l'école d'Asnières, le cours Antoine de Saint-Exupéry, en observation.

Assis tranquillement au fond de la classe, je sens dès les premières minutes que c'est bien dans une salle de classe, face aux élèves, que se jouera le reste de ma vie. Retrouver les attitudes et les réflexions des élèves m'amuse. Dans la salle des profs, je sens aussi une effervescence et une envie de bien faire, d'être là pour les autres qui me rappellent -et dépassent même- ce que j'ai ressenti au début d'Airbnb.

Le bon choix

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Je m'engage donc comme professeur d'anglais. Je participe à la formation des professeurs délivrée par Espérance banlieues et passe l'été à digérer les programmes des 6èmes, 5èmes, 4èmes et 3èmes. Fébrilité la veille de la rentrée et dans le même temps, l'assurance totale que le choix est le bon.

Ce qui me frappe le plus lors des premières semaines, c'est l'énergie incroyable et insoupçonnée que ce métier demande. Néanmoins, je suis convaincu que ce que je fournis à mes élèves, mes élèves me le donnent aussi. Comme chantait Paul McCartney « à la fin, l'amour que tu reçois est égal à l'amour que tu donnes ».

Je termine aujourd'hui ma troisième année d'enseignement et entends bien continuer car je sais que je suis à ma place. Savoir qu'on a, avec plus ou moins de bonheur, contribué à l'épanouissement, l'ouverture, l'équilibre des hommes et des femmes de demain m'est devenu primordial. »

Geoffroy Williamson

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