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[NOTE DE CONJONCTURE ECONOMIQUE] Quelles réalités économiques pour l’industrie alimentaire en 2021 ?

Le poids de l’industrie alimentaire en France n’est plus à démontrer. Avec plus de 18% du chiffre d’affaires industriel, 16 % de sa valeur ajoutée et près de 500 000 emplois, le secteur compte et pèse fortement dans l’activité économique de notre territoire. Notre industrie transforme 70 % de l’agriculture française et fait vivre au quotidien de nombreuses exploitations : 80 % des produits alimentaires consommés en France sont fabriqués localement.
L’industrie alimentaire est composée à 98 % de petites et moyennes entreprises (PME) qui participent à l’aménagement et à l’économie du territoire. C’est essentiel quand on sait que sur les 20 dernières années, 80 % des emplois créés l’ont été dans les PME.

Le retour généralisé de la déflation en rayons depuis 2020, confirmé par le dernier bilan des négociations commerciales (déflation de -0,3%, dans un contexte d’explosion de certaines matières premières agricoles et un besoin tarifaire de 3% remonté par les fournisseurs) plonge les industriels dans une équation particulièrement complexe en 2021 : contribuer à la souveraineté alimentaire à long terme, par un effort d’investissement, d’innovation accru, dans un contexte où la baisse de la rentabilité n’a jamais été aussi forte qu’au cours de ces derniers mois. Or, il ne peut pas y avoir de souveraineté alimentaire sans arrêt immédiat et durable de la guerre des prix.
 

1. La filière alimentaire et ses 17 000 entreprises sont toujours fragilisées par la guerre des prix en GMS : les marges des industriels s’effondrent en 2020

La santé financière des industries agroalimentaires, évaluée à l’aide du taux de marge, s’est profondément détériorée en 2020, prolongeant ainsi une tendance à l’œuvre depuis 2007 (et plus particulièrement marquante depuis 2017). Rappelons que ce ratio permet d’évaluer la rentabilité des entreprises de l’alimentation et la part de la valeur ajoutée qui est conservée par ses entreprises, ressource essentielle pour innover, investir et moderniser l’outil de production, en répondant aux attentes des consommateurs et des marchés. Entre 2007 et 2020, ce ratio a perdu 16 points, dont 7 points depuis 2017 ! Soit une baisse de l’ordre de 40 % sur les 14 dernières années ! Dans ce contexte de forte tension sur le niveau des fonds propres, d’absence de visibilité sur la sortie de crise et sur l’orientation future des marchés, l’investissement des entreprises agroalimentaires a lourdement chuté en 2020 (-5 %), fait inédit depuis 2015, au plus fort de la guerre des prix.

Les industries alimentaires sont prises en étau entre déflation des produits de grande consommation (PGC) et hausse continue des matières premières, de l’énergie et du transport :

  • Une déflation spécifique à l’industrie agroalimentaire (-6,2% entre 2013 et 2020), lorsque l’inflation globale augmentait de 6% sur la même période.
  • Une forte volatilité et tendance haussière des matières premières, non répercutée à l’aval de la filière. Sur la période la plus récente, le prix des matières premières alimentaires et industrielles est d’ailleurs particulièrement dynamique :
    - +17% sur l’ensemble des matières premières alimentaires, 
    - de fortes tensions également sur les emballages : hausse de près de 40 % pour les emballages plastiques, + 34 % pour l’aluminium, ou encore 50 % pour le papier / carton…).

Ces tensions sur le coût et la disponibilité des approvisionnements se sont renforcées ces derniers mois. Dans un contexte de guerre des prix persistant en grandes et moyennes surfaces (GMS), leurs conséquences affecteront l’ensemble de la filière en 2021.
 

2. Pour 2021, un impératif : recréer les conditions de création de valeur pour la filière alimentaire pour répondre à l’objectif de souveraineté alimentaire

Si l’on s’en tient à l’analyse de données « brutes », la France demeure souveraine, notamment par rapport aux autres industries de transformation : 80 % des produits alimentaires consommés par les Français sont fabriqués en France. C’est un acquis qu’il faut préserver car il est indispensable au dynamisme économique des territoires et à la préservation de l’emploi local.

Dans un contexte de baisse de valeur ajoutée, spécifique à la France (-14,5% sur les 10 dernières années contre 13,4% pour l’ensemble de la zone euro), de nouvelles obligations et contraintes excessives en matière de transparence des prix d’achat agricoles iraient à l’encontre de l’objectif recherché et ferait directement subir aux industries alimentaires un désavantage concurrentiel substantiel. Les industriels pourraient être contraints de s’approvisionner à l’étranger voire de délocaliser leurs sites de production, ce qui serait totalement contraire à l’objectif de souveraineté alimentaire assigné aux acteurs de la filière.
 

3. Notre demande : renforcer le tarif des fournisseurs, la notion d’une inflation alimentaire raisonnable et raisonnée ne doit plus être taboue !

L’alignement d’une inflation alimentaire (-0,1 % en 2020) à un niveau conforme à celui constaté pour l’ensemble des secteurs d’activité (+0,6%) se traduirait par une contribution de seulement 1,5€ par ménage et par mois. La bataille du pouvoir d’achat ne se joue pas dans le caddie du supermarché. Le retour à l’inflation alimentaire, sans nullement affecter le pouvoir d’achat des ménages, permettrait de sauver toute une filière alimentaire, déjà largement ébranlée, des conséquences néfastes de la guerre des prix.

Pour sortir du schéma délétère de la guerre des prix, une seule option : assurer le renforcement du tarif du fournisseur, condition sine qua non pour la revalorisation du revenu agricole. Si l’on s’en tient à l’analyse de données « brutes », la France demeure souveraine, notamment par rapport aux autres industries de transformation :

  • Les négociations doivent partir des conditions générales de ventes et non du prix convenu de l’année N-1,
  • Toute dégradation tarifaire doit donner lieu à des contreparties proportionnées et vérifiables.