Tribune. Il y a quelques années, dans l’après-11 septembre 2001, au nom de la sécurité des voyageurs, le traitement des bagages s’est profondément modifié. Sous la pression, nous avons commencé à démonter les manches des contrebasses. Ces instruments ont miraculeusement passé les siècles, évité les bombes, ils ont joué de la musique pour tenter d’atténuer l’horreur des guerres, le poids des chaînes, ou pour célébrer les plus beaux moments de la vie, une naissance, une soirée inoubliable, une union (européenne !), la danse, l’évasion…
Ainsi démontés, atrophiés, les instruments prennent un peu moins de place… et libèrent de l’espace à la vente pour des bagages ou pour du fret. Les contrebassistes, les violoncellistes, les luthistes, les harpistes galèrent en avion, en taxi, en métro, et aujourd’hui l’accès aux trains leur est de plus en plus souvent interdit. Pour ceux qui voyagent avec de grands instruments, prendre le train est devenu plus stressant que de se produire sur scène. Toujours au nom de la sécurité des voyageurs, on leur demande même de descendre sans discussion.
C’est un règlement de bord qui l’exige, l’instrument est trop volumineux, il ne figure pas dans la liste des bagages hors format acceptés dans le train. Les skis, les surfs, les poussettes oui !… Les contrebasses, les violoncelles, les harpes, dehors !… Sortez du train ! Peu importe si vous partez travailler, si vous œuvrez pour l’exception culturelle française, si vous intervenez dans une école ou un Ehpad, si vous participez au dynamisme d’un territoire rural ou à un grand festival soutenu par la puissance publique, c’est non, restez à quai, restez chômeurs !
Impossible d’utiliser le fret
La SNCF réussit même un tour de force commercial, en verbalisant ses meilleurs clients et clientes qu’elle remercie pourtant avec des cartes Grand Voyageur donnant théoriquement accès à de nombreux privilèges… Mais dans notre cas, il s’agit seulement de celui d’être stigmatisé, de devoir abandonner un poste de travail, de se sentir quantité négligeable et indésirable, malgré les centaines de billets de train achetés en première classe.
Vu de la SNCF, il faudrait expédier nos instruments par les services de fret, entre le blé, le bétail, les automobiles, les produits de la sidérurgie, le vrac liquide. Le fret est purement et simplement inadapté aux contraintes de nos métiers. Avec le fret, il est impossible d’enchaîner les concerts à l’échelle du pays en temps et en heure. Il est impossible de desservir le territoire dans son ensemble, ni de garantir la sécurité de nos instruments.
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