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Reportage

Vacances d'été à la ferme : ces jeunes qui travaillent la terre au lieu de buller

REPORTAGE // Les vacances venues, certains se précipitent lézarder au soleil, quand d'autres font le choix de travailler la terre. Reportage dans une ferme de la Corrèze du sud, qui accueille des « wwoofeurs », venus découvrir le fonctionnement d'une exploitation agricole. Le symbole d'un engouement nouveau pour les vacances à la campagne.

Louise et Noémie en train de ramasser les branches coupées.
Louise et Noémie en train de ramasser les branches coupées. (Florent Vairet)

Par Florent Vairet

Publié le 26 juil. 2021 à 17:44Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

Normalement 8 h 30 sonne le début des efforts à la ferme du Bellet. Mais aujourd'hui, c'est à 9 heures que les fourches s'empoignent. « Hier soir, on a été à un bal folk dans un village voisin », sourit Louise entre deux remplissages de brouettes. Cette étudiante en kiné de 22 ans semble ravie de ratisser la parcelle de bonne heure. Pourtant, elle est théoriquement en vacances.

A ses côtés, il y a Noémie, sa co-légionnaire, de 11 ans son aînée, professeure documentaliste dans des établissements scolaires le reste de l'année. En cette matinée de juillet sous le soleil de Corrèze, toutes deux ramassent les branches coupées par Karel, le propriétaire de la ferme maraîchère qui élague la haie. S'ensuivra la récolte des framboises, abricots, haricots, cassis, groseilles, puis une balade à cheval pour accompagner les clients du gîte, et enfin l'aide à la préparation du couvert. Entre-temps, un cours de yoga ponctuera la journée.

« C'est ce mélange entre la proximité avec les animaux et la méditation qui m'a convaincue de choisir cette ferme », précise Louise. Pour sa part, Noémie a été séduite par la description de la ferme, notamment la cuisine végétarienne, les chèvres, les chevaux. « J'ai eu un coup de coeur pour ce lieu qui aspire à l'autonomie alimentaire », ajoute la jeune femme.

Karel, Louise et Noémie.

Karel, Louise et Noémie.Florent Vairet

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Louise et Noémie sont ce qu'on appelle des « wwoofeuses ». Elles ont fait le choix de venir passer une semaine de leurs vacances d'été à entretenir une ferme. Elles ne sont pas rémunérées pour les quatre à six heures passées à travailler. Certains pourraient voir ces choix d'un oeil étrange. Pourquoi ne pas choisir un travail de saisonnier rémunéré ?

Doublement des adhérents Wwoof France

Louise et Noémie ne considèrent pas forcément leur engagement comme un travail. « L'idée d'une rémunération m'aurait gênée car les attentes auraient été différentes. Si je viens ici, c'est pour apprendre, me rapprocher de la nature et rencontrer de nouvelles personnes », précise Noémie qui confie avoir vécu une année difficile.

« Ici, ce n'est pas une grosse ferme qui aurait pu vouloir nous exploiter. Le rythme est tranquille et on peut profiter de la piscine », tient à souligner Louise qui elle aussi fait part d'une année éprouvante, prise dans la routine des confinements. « Je n'étais pas en dépression… mais pas je n'étais pas très bien. Je n'avais plus d'activités, alors cet été, j'ai eu besoin de changer d'environnement mais aussi de travailler », nous explique celle qui entame - seule - un presque tour de France durant l'été, alternant wwoofing et halte chez des amis.

Si elles ne sont pas payées, elles bénéficient du gîte et du couvert offerts par Karel. Et ce deal semble séduire. Il reçoit deux à trois demandes par semaine et doit refuser plus de la moitié, faute de pouvoir les accueillir.

Le wwoofing, qui fête cette année ses 50 ans, connaît un succès grandissant depuis quelques années, en particulier depuis la crise du Covid. « Il y a eu un boom l'année dernière à la suite des confinements », atteste Cécile Paturel, coordinatrice de l'association Wwoof France. Le nombre d'adhérents (adhésion coûte 25 euros) a doublé entre 2019 et 2020, passant la barre des 20.000 inscrits. « Assurément un engouement pour le bien-être, une envie de s'occuper d'animaux, d'aider les autres et surtout de sortir d'un appartement pour toucher autre chose qu'une souris d'ordinateur. » En 2021, le nombre d'adhérents est reparti à la baisse, mais reste toujours en hausse de 30 % par rapport au niveau pré-pandémie.

Un engouement qui se retrouve sur les autres plateformes qui proposent de passer quelques jours à la ferme. Accueil-Paysan témoigne aussi d'une forte augmentation des réservations depuis le début de la pandémie, sans pouvoir donner de chiffres. « Au-delà des paysages bucoliques, nous observons un intérêt pour les métiers liés à la production et aux problématiques environnementales », fait savoir un porte-parole.

Des vacances avant l'installation ?

Sur Airbnb, pour l'été 2021, les séjours ruraux représentent 45 % des réservations , contre 24 % à l'été 2019. Même si ici, ruralité n'implique pas forcément agriculture et encore moins travail, ce quasi-doublement des réservations souligne l'intérêt croissant pour la campagne. Cette tendance, la plateforme américaine l'a bien comprise. Elle a récemment noué un partenariat avec l'Association des Maires ruraux de France pour développer 15.000 nouveaux hébergements touristiques en France d'ici la fin de l'année.

Un chiffre à retenir

10 %

Sur Airbnb, Paris ne représente plus que 10 % de l'ensemble des recherches de séjours en France au mois de mai 2021, en nette baisse par rapport au mois de mai 2019 (sans que la plateforme ne veuille chiffrer la baisse)

A noter qu'en plus des logements, Airbnb cherche à développer le marché des « expériences ». Et parmi les plus prisées, celles proposant un contact avec les animaux de la ferme sont bien représentées, comme la balade avec des chèvres d'une ferme provençale ou avec un alpaga en dans une exploitation normande, ou encore la visite d'une ferme exotique pédagogique.

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Ce regain d'intérêt pour les campagnes est vécu comme une opportunité pour la ruralité, souvent en mal de jeunesse, selon Karel. Le fermier corrézien témoigne qu'un bon nombre de ses wwoofeurs viennent se tester à la ferme avant une éventuelle installation. Parfois pour d'autres métiers que ceux liés à l'agriculture. L'un d'entre eux, venu à quatre reprises l'aider à rénover la ferme, a fini par s'installer en tant que maçon dans le village voisin.

Pour Louise, l'idée d'une installation en tant que fermière lui trotte à l'esprit. « Pourquoi pas mais d'ici une dizaine d'années, avec un rêve : une ferme collective ». Noémie ne ferme pas non plus la porte à un tel projet mais connaît ses faiblesses : « Pourquoi pas, mais tout de suite, je ne me sentirais pas ».

Florent Vairet

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