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Recherche sur le Covid : la Cour des comptes fustige l'absence de « chef de file »

La Cour des comptes a réalisé un audit « flash » de quatre mois sur l'état du financement de la recherche publique dans le cadre de la lutte contre l'épidémie. Avec 530 millions d'euros engagés, les crédits d'intervention sont trois fois inférieurs aux investissements allemands et britanniques. Seulement 20 millions ont été alloués à la recherche d'un vaccin.

Emmanuel Macron a annoncé le 29 juin 2021 un effort de 7 milliards pour l'innovation en santé, qui vont bénéficier aux chercheurs, aux entrepreneurs et aux industriels.
Emmanuel Macron a annoncé le 29 juin 2021 un effort de 7 milliards pour l'innovation en santé, qui vont bénéficier aux chercheurs, aux entrepreneurs et aux industriels. (SARAH MEYSSONNIER/AFP)

Par Solveig Godeluck

Publié le 29 juil. 2021 à 10:00

Un grand nombre d'initiatives, beaucoup de financeurs, mais aucun pilote dans l'avion : c'est la recette française du saupoudrage des crédits de recherche dédiés à la lutte contre le Covid, telle que décrite par la Cour des comptes. Ses magistrats publient ce jeudi un « audit flash » qui porte sur les douze premiers mois de l'épidémie. C'est une sorte de galop d'essai avant la sortie d'un rapport plus complet sur la recherche publique en infectiologie, prévue cet automne. Mais le ton est déjà donné : sanglant.

De mars 2020 à mars 2021, 502 millions d'euros ont été mis bout à bout en France pour financer l'effort de recherche contre le Covid (530 millions avec les fonds européens), quand l'Allemagne et le Royaume-Uni dépensaient le triple (1,5 et 1,3 milliards d'euros) et les Etats-Unis près de 10 milliards d'euros. Il s'agit uniquement des crédits d'intervention, hors masse salariale, précise la Cour, qui a patiemment démêlé l'écheveau des financements pour supprimer les doublons.

Saupoudrage des moyens

Non seulement la France a été plutôt chiche avec ses chercheurs mais l'argent s'est dilué dans une multitude de canaux, conduisant à une moindre efficacité. Cela s'explique par le grand nombre de financeurs - à savoir des organismes de recherche et des universités (qui ont investi environ 120 millions d'euros, autant que les ministères) et la contribution décisive du troisième programme d'investissements d'avenir (249 millions).

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« Les appels à projets sont un indéniable facteur de stimulation pour la recherche. Leur multiplication a cependant limité l'émergence d'une stratégie globale et lisible », relève la Cour des comptes, en soulignant que le soutien financier apporté par les établissements à leurs propres chercheurs, « pour positif qu'il soit, s'est souvent traduit par un saupoudrage des moyens ne garantissant pas contre les doublons et ne favorisant pas les synergies. » C'est le règne du chacun pour soi.

Les choses se seraient sans doute passées autrement s'il y avait eu un patron. Mais « le nombre des centres de décision, administratifs ou comitologiques, a mis en lumière l'absence d'un chef de file », écrit encore la Cour, si bien qu' « aucun acteur institutionnel n'a disposé d'un véritable pouvoir de régulation des priorités et des financements de la recherche durant la crise ». Inutile de chercher du côté du gouvernement, où le ministère de la Recherche et le ministère de la Santé « ont en définitive peu coordonné leurs projets, malgré un incontestable volontarisme initial et l'organisation de nombreuses réunions interministérielles au format inédit ».

En réponse, les magistrats invitent à désigner un chef de file, par exemple l'Inserm , et à mettre en place un « plan de continuité recherche » pour faire face à une nouvelle crise sanitaire majeure, avec un nouveau modèle économique de partenariats public-privé, sur le modèle de la Barda américaine. Emmanuel Macron a une autre idée en tête : le 29 juin, face aux industriels de la santé, il a annoncé la création d'une agence pour l'innovation en santé, chargée de mettre en oeuvre un plan d'investissement de 7 milliards d'euros .

Pas assez de priorités

Sans priorité affichée, la recherche s'est embourbée dans un monceau d'essais thérapeutiques et cliniques parfois redondants (350 répertoriés en juillet). Leur multiplication a asséché le vivier de patients volontaires qui aurait été nécessaire pour mener un essai de grande ampleur. Et rien n'a été fait à l'échelle européenne.

De plus, la Cour estime que 20 millions d'euros seulement ont été alloués à la recherche vaccinale. « Il est malaisé d'établir les choix, ou l'absence de choix, qui en amont sont responsables de cette situation », confie-t-elle. Echouer à produire un vaccin français en 2020 est peut-être une histoire de malchance, mais un plus grand soutien public aurait été bienvenu.

Pour la Cour, la recherche fondamentale en biologie et en santé doit devenir une priorité. Justement, le 29 juin, Emmanuel Macron a donné des gages en ce sens. Rappelant que les crédits publics de recherche-développement pour la santé ont diminué de 28 % entre 2011 et 2018 et sont deux fois inférieurs à ceux de l'Allemagne, les magistrats demandent « un investissement plus régulier dans certains domaines de la recherche fondamentale et de la recherche clinique hospitalière ». Ce ne sont pas le CNRS, l'Inserm ou l'Institut Pasteur qui diront le contraire.

Solveig Godeluck

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