Il faut se donner un coup de fouet de bon matin. La nuit a été fraîche sur le Campus de la transition, et on se met en mouvement au saut du lit. D’abord pour la « pluche » – l’épluchage des légumes fournis par les fermes locales en vue du repas du midi –, avant de se regrouper pour la « météo intérieure », exercice ritualisé où chacun dit comment il se sent, au pied de l’élégant château du domaine de Forges (Seine-et-Marne).
Cette propriété de 12 hectares, située à 80 kilomètres de Paris, a été transformée en 2018 en un lieu d’expérimentation de la « transition écologique et sociale », sous l’impulsion de la philosophe Cécile Renouard et de l’économiste Gaël Giraud. Ici, on teste des solutions concrètes, en matière d’énergie, d’alimentation ou de gouvernance, ensuite transmises aux étudiants, chercheurs et entreprises qui viennent s’y frotter tout au long de l’année.
Mercredi 28 juillet, ce sont une trentaine de jeunes, la plupart issus d’écoles d’ingénieurs, qui, en tenue de chantier, écoutent l’un d’eux leur lire un texte pour ouvrir la journée. « Elle s’est mis dans la tête qu’il fallait sauver le monde, ni plus ni moins », relate le poème. Tout un programme. S’ils ne pensent pas sauver le monde, ces jeunes diplômés sont décidés à y mettre leur grain de sable, rassemblés par une forte conscience écologique et l’aspiration à une vie professionnelle – et personnelle – plus sobre. Eux qui se sont peu à peu détournés de la voie royale qu’ouvre leur statut d’ingénieur, trop éloignée de leurs constats sur l’état de la planète, viennent à la semaine des alternatives low tech (SALT) chercher des clés.
Une quête de technique et de sens
Organisé pour sa troisième édition sur le campus de Forges, qui loge les participants dans de grandes tentes, cet événement propose des ateliers de formation aux low tech, des produits qui se veulent sobres en énergie, à faible impact écologique et social, robustes et facilement réparables par tout un chacun. Après avoir été initiés à l’utilisation des outils, les participants se lancent dans la construction de douches ou de fours solaires, d’un pédalier à énergie musculaire, de panneaux thermiques ou de biodigesteurs, dispositif qui permet de produire du méthane à partir de déchets organiques. Aux quatre coins du campus, ça coupe, ça tape, ça assemble.
« Ce sont des ingénieurs qui ont eu une formation très théorique, observe Paul Dequidt, co-organisateur et docteur en traitement d’image. On sent chez eux un besoin viscéral de retrouver le contact avec l’outil, de tenir une perceuse. » Une quête de technique, mais aussi de sens : « Ils se sont rendu compte, parfois brutalement, que le monde dans lequel ils vont évoluer n’est pas celui qu’on leur a proposé en formation. » Peu banal, mais de plus en plus fréquent, que de voir ces jeunes, formés aux calculs les plus complexes, remettre en cause la course à la haute technologie pour se tourner vers la production d’objets simples et sobres, destinés à ne répondre qu’aux besoins essentiels.
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