Le 8 avril, Emilie Faucheron ne pouvait retenir ses larmes dans une vidéo qu’elle diffusait sur YouTube. Elle venait de constater les dégâts du gel sur les rangs de ceps après une nuit où le mercure était tombé à – 6 °C. « 80 % de la propriété a gelé, ça me prend aux tripes », témoignait la jeune viticultrice bouleversée. Elle exploite, avec son mari, 60 hectares de vigne en agriculture biologique, à Montady, dans l’Hérault.
L’heure de vérité approche. Vendredi 20 août, elle a débuté les vendanges par une parcelle de Sauvignon. « J’ai ramassé deux fois moins que d’habitude sur cette parcelle qui représente 10 % de mon exploitation, constate-t-elle. L’objectif ambitieux que nous nous sommes fixé est d’avoir une demi-récolte. Nous ne saurons qu’à l’issue des vendanges, fin septembre, s’il sera atteint. Nous avons travaillé pour y arriver. On a utilisé des biostimulants, on a réchauffé les sols, on n’a rien lâché », raconte Mme Faucheron.
« Historiquement faible »
Sans attendre les premiers coups de sécateur, le ministère de l’agriculture s’est prêté à l’exercice délicat de la prévision. Début août, il a livré une estimation de la récolte française attendue en 2021, comprise entre 32,6 millions et 35,6 millions d’hectolitres, en reflux sur un an de 24 % à 30 %. Le rendement de cette vendange « historiquement faible » serait alors le plus bas jamais vu depuis quarante-cinq ans.
Le gel printanier a saisi d’effroi nombre de viticulteurs. Parfois, pendant une, deux voire trois nuits, ils ont tenté de sauver les vignes brûlées par la morsure du gel. Souvent sans grand succès. La vague glaciale a touché la plupart des bassins viticoles. La Vallée-du-Rhône, la Bourgogne et le Centre étant les zones les plus affectées. Les bourgeons des cépages les plus précoces, chardonnay et merlots, ont le plus souffert. « Les dégâts ont été importants dans le Chablis et le Mâconnais où les rendements sont élevés. On s’attend à une demi-récolte en Bourgogne, soit un million d’hectolitres », affirme Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne.
Les épisodes pluvieux à répétition durant l’été ont entraîné l’apparition de maladies, comme le mildiou et l’oïdium
Parmi les rares vignobles quasi épargnés à la suite de cet épisode de températures glaciales figurent l’Alsace mais aussi la Charente, le cépage Ugny blanc, clé de voûte du cognac, étant tardif. Mais l’Alsace n’a pas échappé aux aléas météorologiques. Les épisodes pluvieux à répétition durant l’été ont entraîné l’apparition de maladies, comme le mildiou et l’oïdium. « Il a plu quatre semaines de suite, c’est du jamais-vu. Le potentiel de récolte devrait être amputé de 20 % à 30 % », explique Gilles Ehrhart, président de l’association des viticulteurs d’Alsace.
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