S'il fallait en avoir la preuve, le sondage réalisé par Harris Interactive pour Challenges l'apporte formellement : les Français ont des fourmis dans les jambes. La crise sanitaire a amplifié le sentiment d'urgence à bouger dans sa vie, son emploi, son entreprise. Plus d'un tiers d'entre eux l'expriment (39 %). « C'est un chiffre conséquent , souligne Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l'institut d'études en France. D'autant plus qu'on leur a demandé s'ils ressentaient le besoin de changer de cadre de vie, et pas simplement s'ils en avaient l'envie. » Ce sentiment est particulièrement fort chez les moins de 35 ans (48 %), les habitants des grandes villes (49 %), les mal-lotis des HLM (56 %) et, en première ligne, ceux qui élèvent seuls leurs enfants (57 %). Des femmes, principalement, qui ont dû continuer à travailler, assurer l'école à la maison et la vie domestique pendant les confinements. Employées de supermarché, de maisons de retraite ou d'entrepôts logistiques, elles rêvent d'un autre monde.
Profiter de l'existence
Changer de cadre de vie mais aussi changer de métier. Près d'un tiers des Français le souhaitent (31 %). En particulier, les travailleurs les plus exposés parce qu'ils sont en CDD (41 %) ou qu'ils sont ouvriers (37 %). Mais cette bougeotte touche aussi les trentenaires quand il s'agit de changer d'entreprise ainsi que les salariés qui gagnent moins de 2 000 euros. Plus d'un sur trois ne se sent pas attachés à son employeur. A peine entrés dans la vie professionnelle et les voilà repartis vers d'autres horizons, ces changements de cap sont devenus courants aujourd'hui, y compris chez les plus diplômés.
Dix-huit mois après l'irruption du Covid-19, la recherche d'un équilibre personnel et la volonté de donner un sens à sa vie sont devenues prioritaires. C'est ce qu'invoquent les Français pour expliquer leur aspiration à changer leur quotidien.
« Cela préexistait avant la crise , indique Jean-Daniel Lévy, mais la qualité de vie passe désormais avant la réalisation professionnelle car on en maîtrise mieux les paramètres. » Comme des rescapés qui ont vu la mort de près, les Français veulent profiter pleinement de l'existence en actionnant différents leviers, en particulier ceux qui touchent leur cadre de vie. Adieu Paris, le studio minuscule et le métro bondé, disent les trentenaires quand les cinquantenaires portent au pinacle l'hédonisme avec une touche d'écologie. Pour une majorité d'entre eux, l'épanouissement individuel passe par un cadre de vie plus naturel.
Faire ce que l'on aime
Autre transformation à l'œuvre, les jeunes générations ne sont plus prêtes à s'engouffrer dans une vie professionnelle qui ne correspond pas à ce qu'elles savent faire. Ou aiment faire ? Un tiers des moins de 35 ans avancent ce motif pour justifier leur besoin de changement. Et voilà comment des carrières qui semblaient parfaitement balisées dans la finance, la recherche, le marketing ou la santé bifurquent subitement vers des chemins de traverse inattendus : coachs, décorateurs, artisans, professeurs de yoga… Des activités que l'on exerce souvent en se mettant à son propre compte, statut plébiscité par les trentenaires, notamment les moins de 25 ans (42 %) qui y voient le meilleur moyen d'être maître de leur vie. Une révolution s'annonce. Elle a déjà commencé. Et rien ne semble pouvoir l'arrêter.