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Education

Eviter le décrochage des bacheliers des zones rurales qui renoncent aux études supérieures

Joël Giraud, secrétaire d’Etat chargé de la Ruralité, a indiqué que 40% des bacheliers des zones rurales renoncent aux études supérieures. ''Un immense gâchis'', constate-t-il. Mais alors quels sont les moyens mis en place pour lutter contre ce décrochage scolaire dans nos territoires?

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40% des bacheliers des zones rurales renoncent aux études supérieures

DAMIEN MEYER / AFP

Parmi les bacheliers 2019, 77,4 % se sont inscrits dès la rentrée suivante dans l’enseignement supérieur, d’après le dossier "Géographie de l’École - édition 2021" publié par le ministère de l’Education nationale. Un taux de poursuite des études en hausse entre 2009 et 2019, en effet, le nombre total d’étudiants ayant augmenté de 17 %. Mais les évolutions par académie sont très contrastées : 20 % des élèves français vivent en milieu rural et pourtant, parmi ceux qui sortent du lycée le bac en poche, 40% renoncent à poursuivre leur cursus en études supérieures, selon un rapport de la présidente de l’association Chemins d’avenirs. Dans ce contexte, les jeunes des zones rurales n'abordent pas l'avenir avec les mêmes chances que les jeunes des grandes métropoles. Ils ont accès à moins d’informations, peu de moyens de transport et des réseaux limités.

Signe de l'ampleur du phénomène, il était au coeur de l’événement Ruralitic qui s'est tenu du 24 au 26 août dans le Cantal. Depuis 16 ans, ce rendez-vous des élus ruraux est habituellement consacré au développement du numérique dans les zones rurales, mais en cette année 2021, il était donc dédié à la jeunesse. 
"Notre mission est de favoriser le développement du numérique et du réseau pour permettre aux étudiants des milieux ruraux de travailler à égalité avec ceux des territoires urbains", explique Sébastien Côte, commissaire général de Ruralitic

 

L’importance du numérique

Ruralitic travaille étroitement avec les acteurs chargés du Plan France très haut débit. Un plan lancé en 2013, qui doit permettre en 2023 à 100% des Français d’avoir accès à une connexion en très haut débit. "Ce qui ferait de nous le pays le mieux connecté d’Europe", pointe Sébastien Côte. Mais en attendant, faute d'un accès suffisant à ces outils, les jeunes se détachent des études. Souvent trop loin de chez eux, trop chères et dont l'offre de formations ne correspond pas aux métiers qu’ils veulent faire. "Ils font des petits jobs, des formations de proximité mais qui ne répondent pas à leurs désirs. Ils tournent en rond, c’est du gâchis !" s’indigne Sébastien Côte.

Des alternatives sont donc proposées aux jeunes ruraux pour tenter de les remettre dans le circuit des études supérieures, notamment la création de campus connectés, explique un conseiller de Joël Giraud, secrétaire d’Etat chargé de la ruralité. Ces campus permettent aux futurs diplômés de suivre, près de chez eux, des formations à distance auxquelles ils se sont inscrits auprès d'une université en métropole. Ils se rendent dans ces salles de cours connectées où ils peuvent bénéficier d’un tutorat individuel et collectif. Il existe aujourd’hui en France 89 lieux labellisés campus connectés. "On peut venir du fin fond de la Lozère et du Cantal et passer un MBA du MIT si on veut", renchérit Sébastien Côte. Il existe aussi plusieurs formations à distance comme les MOOC (Massive Open Online Cours), ou Fun (France université numérique), qui permettent d’avoir accès à tous les enseignements et, donc, à un vaste choix de formations.

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L’autocensure chez les jeunes

''Cette école n'est pas pour moi, je n’ai pas le niveau''. Cette phrase sort trop régulièrement de la bouche des lycéens ruraux qui n’osent pas postuler pour des formations qu’ils estiment hors de leur portée. Et ce, alors qu'ils ont de meilleurs résultats au baccalauréat que leurs voisins des zones urbaines, assène le conseiller de Joël Giraud. "Nous avons trop longtemps opposé villes et zones rurales." ''Cette autocensure est si forte, qu’ils n’osent même pas poser de questions sur les grandes écoles", s’indigne pour sa part Maxime Zeidenberg, membre de l’association ''Du Pays basque aux Grandes Ecoles’’ et de la fédération "Des territoires aux Grandes Ecoles''. L’association, fondée en 2013 par d’anciens lycéens basques de zones rurales et maintenant étendue sur 33 association locales réparties en France, espère briser cette spirale de l'autocensure. Ses membres - de jeunes étudiants des grandes écoles - interviennent dans les lycées pour parler de leur parcours. Pour chaque lycéen, un cursus, et un parrain pour le guider. L’association s’engage en effet à parrainer chaque jeune pendant deux ans. Ce dernier est suivi par un étudiant qui a suivi le même parcours avant lui, afin de lui apporter un accompagnement plus personnel. "L’enjeu est de leur redonner confiance, de les pousser à sauter le pas", souligne Maxime Zeidenberg. 

D'autres initiatives existent : à l'instar de "Les cordées de la réussite", un dispositif qui permet d’instaurer des séances de tutorat. A raison de deux heures par semaine des étudiants en enseignement supérieur se déplacent dans les collèges et lycées des zones rurales pour sensibiliser les élèves sur les classes préparatoires, l’université etc..

Un frein financier et un manque d'information

Mais bien sûr, la cause principale de ce décrochage reste le frein financier. Les loyers et la vie sont plus chers dans les métropoles. Ce pourquoi l’association "Du Pays basque aux Grandes écoles" répond par la mise en place de bourses pour certains étudiants en devenir. "Nous avons développé un dispositif de bourse, à hauteur de 6.000 euros sur deux ans, qui est attribué en fonction de critères sociaux et de la motivation des candidats à poursuivre leurs études", explique Maxime Zeidenberg. Ces bourses sont financées par des entreprises locales, des entrepreneurs locaux et des donateurs. "C’est réellement le territoire qui aide les jeunes à entrer dans de grandes écoles", ajoute le membre de l'association basque.

Enfin, ce décrochage est  lié à un sérieux manque d'information. Très peu de forums étudiants sont organisés en zone rurale. "Au Pays basque, nous n’avons qu’un ou deux forums par an, avec un accès compliqué, car nos moyens de transports ne sont pas aussi développés qu’en métropole", relève Maxime Zeidenberg. En conséquence, difficile de donner envie aux jeunes de s'aventurer en dehors de leur cocon après le bac. Le plus souvent, ils sont perdus dans l'offre de grandes écoles et n'ont pas toujours quelqu'un dans leur entourage pour répondre à leurs questions. Selon le dossier du ministère de l’Education nationale, en effet, la majorité des parents d’élèves de zones rurales n'ont pas de ''diplôme qui soit égal ou supérieur au baccalauréat''. 

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