Sound designer, un créateur d’ambiances sonores

Sound designer, un créateur d’ambiances sonores

05 août 2021
Jeu vidéo
Beyond Good and Evil 2
Beyond Good and Evil 2 Ubisoft - DR

Rendre vivant et crédible l’environnement sonore d’un jeu vidéo : telle est la mission du sound designer qui travaille en étroite collaboration aussi bien avec les animateurs qu’avec les game designers et les compositeurs. Explications avec Charlie Atanasyan qui a notamment travaillé pour Ubisoft sur les titres Rayman Origins, Assassin’s Creed Unity, Space Junkies et Beyond Good and Evil 2.


Charlie Atanasyan
Charlie Atanasyan DR

Une porte qui grince. Un vaisseau qui traverse l’univers. Les pas d’un personnage qui retentissent dans une pièce. Les bruits d’une cuisine en plein coup de feu. Ces quelques exemples ne sont qu’une infime partie de ce que peuvent réaliser les sound designers. Ces professionnels du son ont la difficile mission de créer et composer tout l’environnement sonore d’un jeu vidéo. « Il faut définir les besoins, trouver comment les combler, créer les sons et les intégrer dans le moteur du jeu pour qu’ils fonctionnent comme nous l’imaginions. Plusieurs sound designers interviennent sur les gros jeux et se répartissent les tâches. L’un d’eux est par exemple en relation avec le compositeur de la musique du jeu car il y a une vraie relation entre les effets, les ambiances sonores et la musique », explique Charlie Atanasyan.

Ces créateurs d’ambiance sonore interviennent « dès la conception d’un personnage, d’un objet, d’une action ». « Toutes les briques du jeu se construisent au fur à mesure », précise-t-il en soulignant que l’environnement sonore se réalise dans une réflexion globale autour du jeu. « Les graphistes, programmeurs ou encore animateurs progressent main dans la main jusqu’au résultat final et le son est inclus dès le départ. Nous proposons des idées qui sont validées ensuite par toute l’équipe », poursuit Charlie Atanasyan en mentionnant une deuxième étape de validation qui intervient lorsque le son est créé pour vérifier sa bonne intégration dans le jeu. « C’est un échange dans les deux sens : tout le monde peut proposer sa vision des choses et apporter sa touche ».

Création et « débrouille »

Réaliser l’environnement sonore d’un jeu n’est pas sans contrainte. Charlie Atanasyan prend ainsi l’exemple d’une ambiance imaginée pour une salle fermée. « Je n’avais pas prévu que le mur de la pièce, qui donne sur l’extérieur, pouvait être cassé. Il faut donc adapter le son pour qu’il y ait une vraie transition entre l’ambiance intérieure et extérieure. Il faut peut-être créer un système pour mélanger les deux et que tout fonctionne parfaitement ».

Pour faire face à ce type de contraintes, le sound designer doit souvent faire preuve d’une grande créativité. Charlie Atanasyan en a fait l’expérience pour le jeu Space Junkies où la « volonté de départ était de faire ressentir au joueur ce qu’il se passe dans une combinaison spatiale ». Afin de retranscrire le rendu d’une respiration dans un tel espace fermé, l’équipe a longuement tâtonné avant de trouver la bonne formule, plutôt atypique.

Nous avons acheté un énorme bocal à poissons et nous avons collé deux micros sur les parois. Nous avons mis la tête dedans pour crier, respirer et enregistrer le tout pendant plusieurs jours 

Même solution créative pour réaliser les sons du vaisseau de la bande annonce de Beyond Good and Evil 2. « J’ai beaucoup joué avec d’énormes portes de garage métalliques, trouvées après une longue recherche, pour les faire grincer et les frapper ». Pour dénicher les bruits sur lesquels il applique ensuite des traitements et effets, il explore en permanence l’environnement dans lequel il se trouve. « J’ai toujours un enregistreur sur moi pour collecter des sons au quotidien que je garde ensuite dans une banque sonore. Il y a également une grande partie recherche pendant laquelle on mélange des matériaux et des textures différentes pour les enregistrer et développer une véritable identité sonore. On fait des brocantes pour trouver des bouts de métal, des choses qui couinent… Une bande annonce comme Beyond Good and Evil demande par exemple deux mois de travail à plein temps ».


Des compétences techniques essentielles

Outre l’aspect créatif qui « représente 50% de son travail », Charlie Atanasyan insiste sur l’importance de la technique. « Etre compositeur aide car le langage du sound design est proche de celui de la musique : on parle tonalités, rythmique… Avoir des bases de solfège ou une connaissance poussée de la musique est un atout. Personnellement, j’ai commencé le solfège à l’âge de 5 ans et le violon à l’âge de 12 ans. Il faut également des connaissances en gameplay, programmation, animation… Les projets sont de plus en plus ambitieux, il est difficile désormais d’arriver sans avoir une vue d’ensemble des différents métiers, d’autant plus que la conception d’un jeu vidéo est un vrai travail d’équipe. Pour que nos sons fonctionnent bien, il faut connaître les contraintes des autres corps de métier pour les prendre en compte et s’adapter…»

Le niveau technique n’était pas le même lorsque j’ai commencé ma carrière, il était donc encore possible d’entrer dans ce milieu sans bagage. Mais en dix ans, il y a eu un énorme bond qualitatif et technologique.

« Je pense qu’aujourd’hui, il est essentiel d’avoir également une formation tournée vers les jeux vidéo. Les critères de sélection pour entrer dans l’industrie vidéoludique sont difficiles : il y a beaucoup de demandes pour peu d’offres. J’ai beaucoup insisté pour y arriver, surtout que je n’avais pas de bagage en jeu vidéo, ce qui était un frein », poursuit Charlie Atanasyan, qui a fait une école privée à l’époque où peu d’établissements proposaient une telle formation.

C’est sur un plateau de tournage qu’est née la vocation de ce professionnel qui bricolait, lorsqu’il avait une dizaine d’années, des enceintes avec son père. « J’ai eu la chance de faire un stage au collège sur le tournage d’un téléfilm. Sans trop savoir pourquoi, je suis resté avec l’ingénieur du son et j’ai passé la semaine avec lui. A la fin du stage, je n’avais aucun doute : je voulais faire du son pour l’image ». Avant de se tourner vers le jeu vidéo, il a d’ailleurs travaillé comme technicien pour la télévision et a gravi peu à peu les échelons. « La création pour l’audiovisuel et pour le jeu vidéo tendent à se rapprocher. L’énorme différence est l’interactivité. Dans un film, il y a un début et une fin, et on maîtrise tout au contraire du jeu vidéo où nous n’avons pas le contrôle. Le joueur est libre de faire ce qu’il veut, il se passe donc toujours des choses que nous n’avions pas prévues. Il faut donc anticiper au maximum les actions du joueur, ce qui est un vrai challenge. En regardant des vidéos de gamers, on voit parfois des combinaisons qu’on n’avait pas anticipées. C’est une petite victoire quand tout fonctionne malgré tout », conclut-il.