La salle de cinéma n’a pas dit son dernier mot. Dans les villes de moins de 50 000 habitants, où 800 nouveaux écrans ont ouvert entre 2019 et 2020 (source CNC), elle est même en plein boom, et une nouvelle génération d’équipements a vu le jour, pimpants et accueillants, qui renvoient dos à dos les mono-écrans aux sièges élimés et les multiplexes sans âme des centres commerciaux.
En 2021, on ne construit plus un cinéma comme un parcours fléché de la caisse au stand de confiseries, à la salle et à la sortie. Il faut donner envie, proposer une expérience qui justifie de ne pas rester chez soi rivé à ses écrans. Cela passe d’abord par la démultiplication de l’offre. Dans une ville de 20 000 personnes qui se contentait jadis d’un petit complexe de deux ou trois salles, la norme est désormais de six à neuf écrans.
L’enjeu, pour les patrons de salles, consiste à faire fonctionner l’espace autrement, à en faire des lieux de vie
La multiprogrammation aidant, ils doivent pouvoir fonctionner à plein le vendredi soir, au pic de l’activité. Dans la journée, en revanche – en semaine surtout –, les spectateurs se comptent sur les doigts d’une main. Mais peu importe dès lors que les copies sont numériques et que l’on n’a plus de projectionniste à payer. L’enjeu, pour les patrons de salles, consiste à faire fonctionner l’espace autrement, comme un café, un espace de coworking, un endroit pour faire des goûters d’anniversaire… Des lieux de vie, en somme, susceptibles de participer à la redynamisation des cœurs de ville en berne. C’est là que l’architecture intervient.
On a vu fleurir ces derniers mois toute une moisson de projets réalisés non pas par des spécialistes habitués à appliquer un cahier des charges strictement calibré, mais par des architectes généralistes qui arrivaient avec un regard neuf. Des cinémas dont l’activité, contrainte par les confinements successifs, n’a vraiment démarré qu’en juin, qui jouent la carte du plaisir, et même du prestige.
Lanterne magique
A Cahors, Le Grand Palais se voit de loin. Un double volume à la fois discret et classieux qui reprend le gabarit des bâtiments de l’ancienne caserne dans laquelle il s’inscrit : une partie est bardée de briques beige clair qui rappellent les couleurs de la ville, l’autre d’aluminium doré. A l’intérieur, sept salles de cinéma, un café et le Musée de la Résistance, qui est en train de s’y relocaliser. Sur la belle place que détourent l’ancien bâti et le nouveau, la terrasse se déploie harmonieusement, les skateurs font claquer leurs planches, les flâneurs investissent l’oasis, étonnant espace vert ceinturé d’une treille de plantes grimpantes que rafraîchissent des brumisateurs. La nuit, les vides percés ici et là dans la façade laissent filtrer la lumière depuis l’intérieur, et le bâtiment prend des airs de lanterne magique.
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