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Sages-femmes : une revalorisation à partir de janvier, à défaut d’un réel statut

Si Olivier Véran concède aux sages-femmes travaillant à l’hôpital une augmentation d’environ 100 euros brut par mois à laquelle s’ajoute une prime du même montant, le ministre écarte la création d’un statut sur-mesure réclamé par la profession.
par Marlène Thomas et AFP
publié le 17 septembre 2021 à 9h56

«Grandes oubliées» du Ségur de la santé, les sages-femmes se sont mobilisées toute l’année contre le «mépris de leur profession et de la santé des femmes». Les lignes bougent enfin. Rebondissant sur la publication, il y a une semaine, d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le métier de sage-femme, le ministère de la Santé a annoncé jeudi le versement d’une prime de 100 euros à celles qui travaillent à l’hôpital ainsi qu’une hausse de salaire d’environ 100 euros brut par mois.

Dévoilées jeudi soir par Olivier Véran à l’occasion d’une réunion avec les syndicats de sages-femmes, ces revalorisations, effectives à partir de janvier, seront incluses dans le budget de la Sécu pour 2022. Une enveloppe de 40 millions d’euros par an sera fléchée à cette fin.

Les trois quarts des 23 500 sages-femmes en bénéficieront, pour un gain mensuel équivalent à l’augmentation de 183 euros net par mois déjà accordée à tous les personnels hospitaliers fin 2020 dans le cadre du «Ségur», fait valoir le ministre. Une annonce en forme de rattrapage pour cette profession à 97 % féminine, oubliée de la refonte des grilles salariales négociée, entre autres, pour les infirmières et les aides-soignantes. «Les sages-femmes ont pu se sentir mises à l’écart», concède l’entourage du ministre.

Accueil froid

Cette revalorisation ne règle toutefois pas toutes les questions. D’autres revendications centrales de la profession sont pour l’heure écartées. Notamment la création d’un statut «sur-mesure», ainsi que le recommande également le rapport de l’Igas. Face «au malaise profond et récurrent des sages-femmes» ainsi qu’à la «dégradation préoccupante de l’attractivité des postes hospitaliers», les inspecteurs des affaires sociales proposent de leur octroyer «un statut d’agent public spécifique», arguant que «seul ce sur-mesure statutaire permettrait une réponse complète et adaptée». Olivier Véran préfère pour sa part «conforter leur statut médical au sein de la fonction publique hospitalière», notamment à travers cette «revalorisation significative».

Les compétences de ces professionnelles seront néanmoins étendues à de nouveaux domaines, comme l’endométriose, et le ministère entend faciliter la création des «maisons de naissance» gérées par des sages-femmes. Ces annonces ont été accueillies froidement par le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes, qui estime dans un communiqué qu’elles ne répondent pas «aux enjeux de la profession». La question des effectifs, pourtant centrale, reste non résolue. «En ne traitant pas en profondeur les causes du malaise des sages-femmes, l’attractivité de la profession semble durablement compromise. En ignorant les problématiques croissantes d’effectifs dans les maternités, la question essentielle de la sécurité et de la qualité de la prise en charge des patientes et des nouveau-nés reste en suspens», fait valoir l’instance.

En novembre, la sage-femme Anna Roy avait exprimé sur Instagram la profonde détresse ressentie par la profession sous le mot d’ordre «Je suis maltraitante.» Dans le sillage de ce mouvement, Camille Dumortier, présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (majoritaire) témoignait auprès de Libé en mars : «Quand je suis en salle d’accouchement et que je m’occupe de trois femmes en travail simultanément, c’est comme si un chirurgien opérait trois patients simultanément. On inflige des violences à nos patientes malgré notre volonté.» Le Conseil national, «qui avait déjà alerté les pouvoirs publics sur la pénurie de sages-femmes et l’épuisement de ces professionnelles, s’alarme des conséquences de ces annonces sur le devenir des maternités».

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