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#Investigation sur l'inclusion scolaire : la Belgique est-elle le mauvais élève de l’Europe ?

Elisa, 13 ans, porteuse de trisomie 21, passe son CEB

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Par Jean-Christophe Adnet

Elisa a 13 ans, elle est porteuse de trisomie 21. L’année dernière, la jeune fille était scolarisée dans l’enseignement ordinaire, à l’école Singelijn de Woluwe-Saint-Lambert. Mais cette année, faute d’école secondaire inclusive, elle est inscrite dans un établissement spécialisé.

Pour Sandrine Greiner, la mère d’Elisa, c’est une déception : "Aujourd’hui, Elisa est épanouie, elle lit, elle calcule. Elle a fait d’énormes progrès grâce à son inclusion scolaire en primaire, au contact de ses camarades ordinaires. Mais ce type de projet n’existe à peu près pas en secondaire, elle doit aller dans une école spécialisée. Malheureusement, il y beaucoup moins d’apprentissages. On va devoir la soutenir nous-mêmes davantage."

Bernard De Vos, délégué général aux droits de l'enfant
Bernard De Vos, délégué général aux droits de l'enfant © RTBF

C’est tout le système qui doit être remis en cause 

Pour Bernard De Vos, le délégué général aux droits de l’enfant, la Fédération Wallonie-Bruxelles est l’une des seules entités géographiques du monde où les élèves sont, chaque année, plus nombreux dans l’enseignement spécialisé. "C’est une honte, non seulement, nous sommes les mauvais élèves pour l’inclusion scolaire des enfants porteurs de handicap mental mais, en plus, notre enseignement spécialisé accueille des enfants sans handicap, ni mental, ni physique. Ils ont parfois simplement un retard culturel lié à leur milieu d’origine." Bernard De Vos ajoute : "Il y a une forme de ségrégation, de discrimination, c’est tout le système qui doit être remis en cause."

La Belgique condamnée

Cette remise en cause de notre système scolaire, le délégué général aux droits de l’enfant n’est pas le seul à l’exiger. En février dernier, la Belgique a été condamnée par le Conseil européen des droits sociaux, une sorte de "gendarme" indépendant qui surveille que les états respectent les conventions internationales qu’ils signent.

Par son manque d’inclusion scolaire, la Belgique ne respecte pas l’une de ces conventions : la Charte sociale européenne. Selon ce texte, ratifié par notre pays, l’inclusion scolaire devrait être la règle et l’enseignement spécialisé l’exception. C’est exactement le contraire chez nous. Il y a moins d’un pourcent d’enfants porteurs de handicap mental inclus dans nos écoles primaires ordinaires.  

L’Italie, l’exemple à suivre ?

Une classe inclusive à l'école Margherita Hack, à Rome
Une classe inclusive à l'école Margherita Hack, à Rome © RTBF

L’Italie a choisi de supprimer l’enseignement spécialisé à la fin des années 70. Depuis près de 40 ans, l’inclusion scolaire y est totale. "Dans ma classe, il y a deux élèves porteurs de grave handicap mental. Il y a notamment Massimo, qui souffre d’autisme sévère", nous explique Gianni Tartaro, enseignant à l’école Margherita Hack, de Rome.

"Massimo, il bougonne, il fait des gestes particuliers. Dans la classe, ça ne perturbe plus personne, la leçon continue, comme si de rien était." En Italie, les effets de l’inclusion scolaire totale se ressentent dans toute la société. Inclus à l’école, les personnes porteuses de handicap sont ensuite mieux intégrées, y compris dans le monde du travail.  

On ne peut pas supprimer le spécialisé, pour certains enfants, c’est le meilleur système 

Pour Karin Verlinden, directrice d’un centre PMS bruxellois, l’inclusion totale, chez nous, c'est une utopie. Cette professionnelle de l’orientation scolaire estime même que notre enseignement spécialisé nous est envié par de nombreux pays d’Europe. "Nous avons régulièrement des demandes de France, de la part de parents d’enfants porteurs de handicap mental. D’Italie aussi. Ces familles estiment que nos écoles spécialisées sont mieux adaptées à leurs enfants."

A la frontière avec la France, certaines de nos écoles spécialisées sont mêmes majoritairement fréquentées par des élèves français.

Laisser le choix aux parents

C’est à n’y rien comprendre. D’un côté, la Belgique est condamnée au niveau européen pour son système d’enseignement spécialisé. De l’autre, ces mêmes écoles sont sollicitées par des centaines de familles étrangères. Pour certains parents belges d’enfants porteurs de handicap mental, le problème, ce n’est pas l’enseignement spécialisé lui-même, c’est surtout l’absence de choix.

En effet, l’inclusion scolaire est tellement peu développée chez nous que 99 pourcents de ces enfants sont contraints de fréquenter des écoles primaires spécialisées. Une réforme de cet enseignement est en cours en Fédération Wallonie-Bruxelles, pour permettre plus d’inclusion scolaire. L’objectif de la ministre de l’éducation, Caroline Désir, est d’intégrer plus d’enfants dans le système ordinaire en individualisant la prise en charge de chaque élève. Mais le chemin est encore long, cette réforme ne devrait être pleinement effective qu’en 2025.

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