Le job du parent (c’est du moins ce qu’il croit) est de préparer au mieux son enfant à l’avenir, soit une façon d’en maîtriser préventivement les incertitudes.
Avant, même s’il n’était pas simple, ce job paraissait répondre à un cahier des charges relativement bordé : tel un Tupperware dans lequel on tenterait de faire entrer un trop-plein de mou de veau, l’enfant était ce réceptacle que l’on bourrait de connaissances avec l’espoir qu’il intègre de prestigieuses institutions, de type Polytechnique, Essec ou Normal Sup’. Que son seul ami fût un phasme neurasthénique n’était finalement pas si grave, dans la mesure où votre descendant était capable de résoudre une équation différentielle du troisième ordre et de vous citer par cœur toutes les dates clés de la Révolution française.
85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore
Si l’acharnement à transformer les enfants en pur-sang de la réussite scolaire ne s’est pas véritablement démenti, les parents ont désormais un nouveau cheval de bataille : les « soft skills ». Quézako ? Il est vrai que si vous ne travaillez pas dans une entreprise où l’on cultive votre intelligence émotionnelle à coups de séances de jardinage, vous ne savez peut-être pas de quoi il s’agit. Les « soft skills » sont ces compétences comportementales qui intègrent aussi bien les capacités de communication que l’intuition, la créativité ou l’autonomie.
Bref, un vaste fourre-tout auquel les recruteurs ne s’intéressaient pas vraiment jusqu’à il y a peu, concentrés qu’ils étaient sur les « hard skills », ces savoirs en béton armé clignotant en lettres d’or sur les CV (chinois lu, écrit, parlé/maîtrise du langage de programmation Python/MBA en management de projet).
La nouvelle attention portée aux « soft skills » procède d’un constat qui se voudrait sans appel (appelez ça une idéologie, si vous voulez) : dans un horizon plus ou moins proche, la technologie, au travers de l’intelligence artificielle, de la robotique ou de la réalité virtuelle, va rendre un nombre incalculable de jobs inutiles.
Selon une étude qui n’est pas la plus pessimiste, publiée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2019, l’automatisation devrait faire disparaître 14 % des emplois d’ici à vingt ans et en transformer 32,8 %. D’où cette autre statistique étonnante, émanant d’un rapport publié en 2017 par Dell et l’Institut pour le futur, un think tank californien : 85 % des emplois de 2030 n’existent pas encore.
Antidote à la mécanisation
Comment mettre alors toutes les chances de votre côté pour que votre enfant puisse devenir pizzaïolo sur imprimante 3D si cette profession d’avenir est encore dans les limbes ? Réponse : les « soft skills ». En servant à désigner sous un vocable commun ce qu’il y a en nous de relationnel, d’humain, de créatif, bref notre « plus-value », ces savoirs doux figurent cet antidote fantasmatique à la mécanisation du monde, un mot magique qui ferait de tout un chacun une terre arable susceptible de s’adapter à n’importe quel type de bouleversement.
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