Analyse. C’est en 2019 que le slogan « If it is not Boeing, I am not going ! » a commencé de perdre beaucoup de sa pertinence. Cette année-là, Airbus est devenu le premier constructeur aéronautique mondial. Avec 863 appareils livrés à ses compagnies clientes, l’avionneur européen a largement devancé son rival américain, repoussé loin derrière, avec seulement 345 livraisons. Les résultats du constructeur de Seattle avaient été largement affectés par la crise de son moyen-courrier 737 MAX, cloué au sol pendant près de vingt mois après deux catastrophes aériennes qui ont coûté la vie à 346 passagers et membres d’équipage. L’accession d’Airbus au titre de numéro un est passée largement inaperçue.
Le changement de leader a été éclipsé par les difficultés de Boeing, puis par la crise due au Covid-19. La discrétion et le triomphe très modeste d’Airbus ont aussi joué leur rôle. « Nous voulons rester humbles », concède Guillaume Faury, PDG d’Airbus. Ce dernier « ne veut pas que le groupe s’endorme sur ses lauriers ». Chez d’autres cadres dirigeants, la fierté d’être devenu le numéro un affleure derrière l’humilité. « Il y a cinquante ans, Airbus était une société qui faisait marrer Boeing. Pour eux, un groupe fondé par des Etats [la France et l’Allemagne], ce n’était pas sérieux », rappelle l’un d’eux.
Domination de longue date
L’avènement d’Airbus ne doit pourtant rien au hasard. L’essor de l’avionneur européen s’inscrit dans la durée. Il démarre au tournant des années 2010. Au moment où la Chine, qui tente depuis longtemps de prendre sa place aux côtés d’Airbus et de Boeing, passe commande à CFM, la coentreprise du tandem franco-américain Safran-General Electric, d’un moteur pour son futur avion moyen-courrier, le C919. A l’époque, la nouvelle claque comme un coup de tonnerre dans un ciel d’azur. Elle vient briser brutalement le ronron de la concurrence raisonnée à laquelle se livraient alors l’avionneur d’outre-Atlantique et son outsider européen. Boeing caracolait en tête des commandes et des livraisons tandis qu’Airbus s’employait à agrandir sa gamme d’appareils.
Piqué au vif par l’initiative de Pékin, Airbus est le premier à réagir. Plutôt que de lancer un nouvel appareil, il fait le choix de commander un moteur moins gourmand en carburant pour la nouvelle génération de son moyen-courrier qui deviendra l’A320 Neo. Boeing est plus long à réagir. On peut le comprendre : à l’époque, l’avionneur américain est le leader mondial incontesté de l’aéronautique. Une domination de longue date.
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