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Interview

Gilles Gateau (Apec) : « Les cadres aussi ont été en première ligne pendant la crise »

Dix-huit mois après le début de la crise du Covid, qui a coïncidé avec son arrivée à la direction générale de l'Association pour l'emploi des cadres, Gilles Gateau fait le point, dans une interview aux « Echos », sur la situation et les perspectives d'emploi des cadres et des jeunes diplômés. Il revient aussi sur les changements structurels dans le monde du travail qui se sont accélérés ces derniers mois.

Gilles Gateau, directeur général de l'Apec.
Gilles Gateau, directeur général de l'Apec. (Studio Cabrelli/Apec)

Par Leïla de Comarmond, Alain Ruello

Publié le 28 sept. 2021 à 15:01Mis à jour le 29 sept. 2021 à 11:11

Comment les cadres ont-ils traversé la crise ?

Ils n'ont pas été épargnés, même s'ils n'ont pas été les plus pénalisés. L'idée que les cadres auraient été des planqués de l'arrière, restés tranquilles dans leur résidence secondaire, ne correspond pas à la réalité qu'ils ont vécue : du télétravail forcé à haute dose, de la gestion d'équipe à distance dans une situation de stress majeure. Ce qui a fait tenir les entreprises, ce sont aussi les cadres qui ont dû l'inventer car ils n'étaient pas plus préparés que les autres à affronter les conséquences de l'épidémie.

Il en a résulté un fort sentiment d'épuisement, exprimé par un quart d'entre eux. Et même un tiers des femmes cadres.

Et sur le plan salarial ?

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Près de trois cadres sur dix ont connu une période d'activité partielle, avec la baisse de revenu qui va avec. C'est moins que l'ensemble des salariés, mais ce n'est pas négligeable. Le freinage a été net, d'ailleurs la rémunération moyenne a stagné. Avec une bonne et une mauvaise surprise.

L'idée que les cadres auraient été des planqués de l'arrière, restés tranquilles dans leur résidence secondaire, ne correspond pas à la réalité.

La bonne est que la part variable a été préservée. C'est normal pour l'intéressement ou la participation : 2019 a été une très bonne année ; la crise se verra sur 2020. Mais les bonus, plus discrétionnaires, n'ont pas été sacrifiés.

La mauvaise concerne les inégalités salariales entre hommes et femmes . Nous redoutions une pause dans leur réduction, on a assisté à un retour en arrière. L'écart moyen était descendu à 13 %, il est remonté à 15 % l'an dernier. A profil et à poste identiques, il était passé de 9 % à 7 % en six ans, mais il remonte à 8 % en 2020.

Début mai, vous tabliez sur 247.000 embauches de cadres cette année. La reprise étant plus forte qu'attendu, le record de 300.000 de 2019 peut-il être retrouvé ?

La situation de l'emploi a été meilleure que ce que l'on craignait. Les enquêtes de l'automne dernier prédisaient une baisse de 30 à 40 % des embauches de cadres en 2020. Elle n'a été « que » de 20 %. Pour cette année, si l'on se base sur les offres déposées sur apec.fr, on constate une belle dynamique depuis juin. Mais le premier semestre n'a pas été si flamboyant, on n'atteindra pas forcément cette année le record de 2019.

Reste que, structurellement, l'emploi cadre est dynamique : en 2020, le nombre de cadres a dépassé pour la première fois celui des ouvriers.

Où en est-on de l'insertion des jeunes diplômés ?

La bonne nouvelle est qu'en juillet et en août, le rythme des embauches de « débutants » est revenu à son niveau d'avant-crise. Mais attention, restons lucides, cela ne veut pas dire que les jeunes diplômés arrivés sur le marché du travail sont tirés d'affaire.

Nous redoutions une pause dans la réduction des inégalités salariales hommes-femmes, on a assisté à un retour en arrière.

Notre dernière enquête a montré que douze mois après leur diplôme, 65 % des jeunes de la promo 2019 étaient en emploi, contre 85 % dans les promos précédentes. Ce sera sans doute du même ordre pour la promotion 2020. Ils sont nombreux à être toujours en recherche, alors qu'ils sont déjà rejoints par les 170.000 diplômés du supérieur de la promo 2021 ! Je ne suis pas inquiet sur le long terme, mais il faudra du temps pour résorber cet effet d'embouteillage.

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Avec le risque de générations sacrifiées ?

Je n'emploie pas l'expression de génération sacrifiée. En revanche, il y a le risque d'une spirale négative pour certains jeunes. Ils peuvent perdre confiance en eux et décrocher, à plus forte raison quand ils sont isolés. C'est pour eux que l'Apec a lancé l'an dernier l'opération « Objectif 1er emploi », que nous allons renouveler cette année pour aider 40.000 jeunes supplémentaires, avec une aide de l'Etat.

Quel bilan tirez-vous de la première salve ?

Nous avons atteint notre objectif de 50.000 jeunes accompagnés en moins de douze mois. Sept sur dix de ceux qui ont suivi nos ateliers à l'automne 2020 étaient en emploi en juin dernier, dont la moitié en CDI, l'autre en CDD, alternance ou stage. Un quart était encore en recherche d'emploi, et 5 % ont repris leurs études. Un vrai « plus » pour ces jeunes, mais une difficulté pour les équipes de l'Apec que nous ne parvenons pas à surmonter : trop de jeunes inscrits aux ateliers ne viennent pas le jour J.

Je ne suis pas inquiet sur le long terme pour les jeunes diplômés, mais il faudra du temps pour résorber l'effet d'embouteillage [provoqué par la crise]

Quelle proportion ?

Environ 30 %. Sans cet absentéisme, nous aurions pu accompagner 70.000 personnes. Mais tous ceux qui travaillent avec des jeunes, diplômés ou non, sont confrontés à cette « volatilité ». D'ailleurs, elle s'exprime aussi dans le début des parcours professionnels : nos consultants observent une multiplication des reconversions précoces.

C'est-à-dire ?

Autrefois, c'était plutôt un phénomène de deuxième partie de carrière ou lié à un accident dans la vie professionnelle. Aujourd'hui, pas loin du quart des personnes qui mobilisent notre Conseil en évolution professionnelle (CEP) ont moins de trente ans. Le schéma selon lequel, après des études longues, on commence un métier dans lequel on restera toute sa vie est révolu.

C'est d'ailleurs pour cela que l'un des objectifs du nouveau mandat de service public 2022-2026 que l'Apec - organisation paritaire, je le rappelle - vient de signer avec l'Etat est de repenser notre relation de service afin de proposer un accompagnement plus continu tout au long du parcours professionnel. Avec des sujets comme le consultant référent, ou l'accompagnement en cas de projet de mobilité géographique par le centre Apec du lieu où l'on veut s'installer.

Nous voulons améliorer notre service lorsqu'une TPE ou une PME sollicite notre aide pour lui proposer des candidats, en nous assurant de leur disponibilité et motivation par exemple.

Quelles sont les autres évolutions prévues ?

D'abord, il faut préciser que l'urgence liée aux impacts de la crise n'est pas derrière nous. En plus de notre effort vers les jeunes, l'Apec est prête à contribuer au plan pour les chômeurs de longue durée par exemple, et les partenaires sociaux nous ont demandé de faire plus pour les cadres seniors. Mais, et c'est tout l'intérêt de ce nouveau mandat de service public, il nous faut aussi voir plus loin et faire évoluer notre relation de service. Avec les cadres, bien sûr, mais aussi avec les employeurs, en particulier les TPE et les PME.

Que leur proposez-vous ?

Ne disposant pas souvent de service RH, elles sont confrontées à des difficultés de recrutement quand elles veulent embaucher un cadre, a fortiori quand les tensions sur le marché du travail s'accroissent. 310.000 profils de candidats sont publiés sur apec.fr, mais nous voulons améliorer notre service lorsqu'une TPE ou une PME sollicite notre aide pour lui proposer des candidats, en nous assurant de leur disponibilité et motivation par exemple.

Leïla de Comarmond et Alain Ruello

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