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Les présidents d'université prêts à mieux adapter leurs formations aux entreprises

Selon un sondage OpinionWay, 83 % des patrons considèrent que les diplômés des universités ne sont pas assez préparés à la vie professionnelle. Les présidents d'université s'apprêtent à faire des propositions à la ministre du Travail, Elisabeth Borne, et aux branches industrielles.

Les masters insèrent les étudiants à 90 %, souligne la Conférence des présidents d'université.
Les masters insèrent les étudiants à 90 %, souligne la Conférence des présidents d'université. (Damien MEYER/AFP)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 1 oct. 2021 à 15:59Mis à jour le 1 oct. 2021 à 17:37

Qu'il est loin le temps où, il y a quelques années encore, l'insertion professionnelle était un sujet tabou dans les universités ! Et pourtant, il reste du chemin à parcourir. C'est ce qu'illustre un sondage OpinionWay pour la Conférence des présidents d'université (CPU) que révèlent « Les Echos ».

Dans cette étude réalisée cet été auprès de 500 décideurs (dont 420 chefs d'entreprise d'au moins 10 salariés), 85 % des patrons ont, certes, une image positive des universités. Ils soulignent le « haut niveau de compétences » des diplômés de masters, des docteurs, ou encore l'atout de l'université pour la diversité sociale.

Mais, pour 81 % des chefs d'entreprise, les diplômés des universités ne sont pas assez préparés à la vie professionnelle, 64 % les jugent insuffisamment prêts à travailler à l'international et 44 % estiment qu'ils ne sont pas capables de travailler en autonomie. Seuls les diplômés de licences professionnelles sont jugés immédiatement opérationnels par 68 % des chefs d'entreprise.

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Un manque de préparation à la vie professionnelle

Pour y remédier, près d'un patron sur deux (48 %) souhaite faciliter l'accès aux stages. Mais les chefs d'entreprise veulent aussi que les formations soient revues et les cursus de formation adaptés, pour intégrer davantage de pratique.

A tête de la CPU, le président de l'université de Bordeaux, Manuel Tunon de Lara, se félicite des 80 % d'opinions favorables. « Globalement, le lien entre l'université et l'entreprise a bougé, confie-t-il. Non seulement, on comprend les préoccupations des chefs d'entreprise, mais elles sont aussi devenues celles des universités. »

Dans un contexte où l'exécutif met 1,4 milliard d'euros sur la table pour financer des formations supplémentaires et apaiser les difficultés de recrutement, la CPU s'apprête à faire des propositions à la ministre du Travail, Elisabeth Borne , à rencontrer le Medef et les représentants des différentes branches industrielles, « pour avoir une dynamique de coconstruction », jugée « indispensable ». Il faut « aller discuter avec les filières, avec les branches, avec nos environnements d'entreprises pour définir avec eux ce dont ils ont besoin », plaide Manuel Tunon de Lara.

Taux d'insertion très satisfaisant

Les universités ne partent pas de rien, mais elles ont souvent du mal à faire connaître ce qui existe déjà, indique-t-il : « On ignore que les masters insèrent les étudiants à 90 %, que les courbes des salaires à 30 mois commencent à rejoindre celles des étudiants de grandes écoles et que tous les dispositifs de cycles courts ont des taux d'insertion très satisfaisants », confie-t-il.

Pour autant, « l'adaptation des formations aux besoins des entreprises est totalement légitime et indissociable de la façon dont on répond aux besoins du pays et de la relance », admet-il. « Se rapprocher des entreprises » ne signifie pas que « le gros mastodonte vérifie de temps en temps s'il répond aux besoins des entreprises », mais de « travailler avec les filières » et, en cette période de relance, de « faire vite et bien ».

Comment procéder, alors que les cycles de formation s'étalent souvent sur trois ans ? La CPU voit une première réponse dans la formation tout au long de la vie - « se priver de l'université pour cette formation serait une erreur ». La professionnalisation de la licence est un autre sujet sur la table.

Quant aux cycles longs et « au tunnel » dans lequel un étudiant entre après son bac et jusqu'au master, Manuel Tunon de Lara voudrait que ce ne soit plus la règle. « On est favorables au droit à la poursuite d'études après la licence, mais on ne peut pas avoir un système où toutes les licences font un master, et tous les masters, un doctorat, ça n'est pas envisageable. » La CPU veut plus de sorties d'étudiants à bac+3, avec la possibilité de reprendre ses études après une période de travail, qui pourrait être considérée comme un élément pédagogique, comme cela se pratique au Canada.

« Tordre le cou à un carcan »

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« Il faut changer le côté annuel et arithmétique des formations et tordre le cou à cette espèce de carcan qui, parfois, ne s'adapte pas », souligne Manuel Tunon de Lara.

Et les enseignants-chercheurs, dans tout cela ? « Cela demande beaucoup plus d'investissement et de travail, et donc il faut changer les règles du jeu pour qu'ils puissent avoir une reconnaissance et exercer leur mission de formation avec plus de flexibilité, tout en protégeant leur travail », plaide la CPU.

Mais, « cette idée de l'université où l'on enseigne ce que les enseignants ont décidé d'enseigner car c'est leur petit jardin secret, et qu'on décrète ce que doit être la formation, est révolue », rétorque Manuel Tunon de Lara. « Le contenu de ce qu'on enseigne doit évidemment être à la main des enseignants-chercheurs, conclut-il. Mais la période actuelle oblige le milieu académique à répondre aux interrogations légitimes des entreprises. »

Marie-Christine Corbier

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