Livre. La jeunesse est-elle « sacrifiée » ?… Cette question, régulièrement posée, est au cœur de l’ouvrage coordonné par Tom Chevalier, chercheur au CNRS, et Patricia Loncle, professeure des universités à l’Ecole des hautes études en santé publique. Pour répondre à cette épineuse question, le livre réunit les contributions de divers chercheurs en sciences sociales, qui s’attellent, en mêlant une approche micro et macro, à débroussailler un vaste spectre de sujets autour de cette interrogation.
L’ouvrage tombe à pic, à l’heure où les enjeux d’âge ont été récemment propulsés sur le devant de la scène. En effet, la réforme des retraites et la crise sanitaire ont braqué les projecteurs sur les franges les plus âgées de la population, alors que les conséquences sociales et économiques de la pandémie de Covid-19 ont rendu visibles et largement amplifié les difficultés de la jeunesse.
Rupture de la « loi du progrès générationnel »
Pour commencer, les auteurs rappellent que les classes d’âge les plus touchées par la précarité se sont inversées au fil du temps : au sortir de la seconde guerre mondiale, ce sont surtout les personnes âgées ; depuis la crise des années 1970 et la transition vers une économie postindustrielle, les jeunes sont les plus exposés à la pauvreté et au chômage, premières victimes des crises et des secousses économiques. La mise en garde du sociologue Louis Chauvel au tournant du siècle semble se réaliser : on assiste à une rupture de la « loi du progrès générationnel ».
Pour autant, ce constat ne doit pas masquer l’extrême diversité de la jeunesse d’hier comme d’aujourd’hui : elle « est traversée par de multiples lignes de clivage à l’image de la société dans son ensemble », martèlent les deux coordinateurs de l’ouvrage.
Une fois un état des lieux de ces injustices dressé, les auteurs s’interrogent. « Quelle est la réaction de la société française face à ces inégalités », tant intergénérationnelles qu’intragénérationnelles ? Que font les acteurs publics dans un monde où, couplée au marché du travail et aux modèles familiaux, « l’action publique est centrale pour structurer les expériences juvéniles, dont on peut voir de fortes variations en Europe » ?
Massification scolaire
Pour y répondre, l’ouvrage sonde spécifiquement quelques phénomènes. La massification scolaire est d’abord étudiée. En France, paradoxalement, elle a eu tendance à accroître les inégalités : la diminution des dépenses publiques par tête dans l’enseignement supérieur, la place dégradée des jeunes sur le marché du travail, la fragmentation du système d’enseignement supérieur, la très grande emprise du diplôme sur les trajectoires individuelles… sont les ingrédients non seulement d’une forte reproduction sociale par le système scolaire, mais aussi d’une forme de déclassement générationnel. Il ne faut pas oublier non plus que dans notre pays, chaque année, près de 100 000 jeunes sortent sans qualification du système scolaire ou avec au plus le brevet des collèges.
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