EDUCATIONPourquoi un quart des collégiens de REP disent ne pas aimer l'école

Rentrée scolaire 2021 : Pourquoi un quart des collégiens d’éducation prioritaire disent ne pas aimer l’école

EDUCATIONA l’occasion de la Journée du refus de l’échec scolaire ce mercredi, une étude de l’Afev montre que la peur de l’échec est prégnante chez les collégiens de l’éducation prioritaire
Des élèves dans un collèges, le 2 septembre 2021.
Des élèves dans un collèges, le 2 septembre 2021. - UGO AMEZ/SIPA / Pixpalace
Delphine Bancaud

Delphine Bancaud

L'essentiel

  • L’Afev, association qui propose du soutien scolaire par des étudiants dans les quartiers populaires, publie une étude sur le rapport à l’école des collégiens de Rep et Rep +.
  • Elle montre que les exigences scolaires sont souvent sources de stress chez ces collégiens de l’éducation prioritaire.
  • Et quand le climat scolaire est pesant dans leur établissement, cela joue dans le rapport difficile qu’ils entretiennent avec l’école.

Ils vont souvent en cours en traînant les pieds. Un collégien de Rep sur quatre déclare ne pas aimer aller à l’école, selon une étude* de l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) qui paraît ce mardi soir, à l’occasion de la Journée du refus de l’échec scolaire, mercredi. Un goût mitigé pour les cours qui témoigne du contexte actuel, selon Marc Douaire, président de l’Observatoire des zones prioritaires (OZP) : « La crise sanitaire a particulièrement aggravé les inégalités sociales. Les élèves de Rep et Rep + ont été les plus affectés, car le confinement et les périodes d’école à la maison ont provoqué une vraie rupture dans leur scolarité ».

Il faut dire que 49 % des collégiens interrogés se sentent parfois mal à l’aise au collège. Un mal-être que 56 % d’entre eux attribuent au stress, à la peur des contrôles ou au fait d’être interrogés. « C’est au collège que se joue la question de la sélection scolaire, que les exigences de l’institution commencent à être marquées. Et si les élèves ont peur de l’évaluation, c’est qu’elle est vécue comme une évaluation sanction », analyse Marc Douaire. « Les indicateurs montrent qu’une part plus importante de filles que de garçons ressent ce stress face aux exigences scolaires. Et que les collégiens de 3e en sont plus sujets que ceux de 6e, car ils sentent que le niveau monte et ont peur de ne pas être à la hauteur », souligne Eunice Mangado-Lunetta, directrice des programmes à l’Afev.

36 % des collégiens interrogés ne participent que rarement ou jamais en classe

D’ailleurs, 66 % des collégiens de l’éducation prioritaire déclarent ne pas comprendre certaines fois ce que les profs attendent d’eux, et 15 % ne comprennent souvent pas. Lorsque cela leur arrive, le premier recours est de demander de l’aide à un enseignant (59 %) ou à un camarade pour 57 % d’entre eux. Mais plus inquiétant : 32 % des élèves qui ne comprennent pas la consigne choisissent de poursuivre leur travail sans demander d’aide. Et 11 % arrêtent de travailler. « Beaucoup ne disent pas à l’enseignant qu’ils éprouvent des difficultés, ils accumulent des lacunes et décrochent silencieusement, petit à petit », observe Eunice Mangado-Lunetta.

Ce manque de confiance en eux se ressent dans leur investissement en classe : 36 % des collégiens interrogés ne participent que rarement ou jamais en classe (ils sont même 43 % en 3e). La première raison évoquée est la peur de parler devant tout le monde (55 %), suivie par la peur de se tromper (42 %) et la non-connaissance de la réponse (28 %). « C’est symptomatique du rapport à la faute qui est très compliqué dans la pédagogie à la française, contrairement à d’autres pays, où le fait de se tromper est considéré comme une étape nécessaire pour réussir », commente Eunice Mangado-Lunetta. « L’enseignement français ne valorise pas assez l’oral, les réflexions spontanées des élèves. Ce qui crée chez eux des inhibitions », complète Marc Douaire.

« Il faut peut-être laisser tomber le système des notes »

Le sentiment de mal-être au collège en Rep et Rep + est aussi parfois alimenté par un climat scolaire tendu. Car près d’un tiers des collégiens a déjà subi des moqueries, des violences, des vols ou des rackets. « Là encore, les filles perçoivent le collège comme plus hostile à leur égard, car elles ont davantage l’impression d’être moquées que les garçons (24 % contre 14 %). Et 36 % disent avoir mal au ventre quand elles vont en classe », souligne Eunice Mangado-Lunetta. Quand ils regardent vers l’avenir, certains de ces collégiens ne sont pas insouciants, car 31 % n’envisagent pas bien leur poursuite d’études. « Ils ont peu d’étudiants autour d’eux qui pourraient jouer le rôle de modèle et les aider à se projeter », remarque Eunice Mangado-Lunetta.

Des constats qui appellent à renforcer les moyens mis sur l’éducation prioritaire. « Il faut davantage développer les cours en petits groupes, pour permettre de mieux accompagner les élèves et les inciter à davantage participer », estime Marc Douaire. « Il faut aussi renforcer le volet relatif à la pédagogie différenciée dans la formation initiale des enseignants » , ajoute Eunice Mangado-Lunetta. Et pour faire baisser le stress de ces collégiens, Marc Douaire estime aussi nécessaire de revoir le système d’évaluation : « Il faut peut-être laisser tomber le système des notes pour privilégier l’évaluation par compétence ». Tout en veillant à lutter contre le phénomène d’autocensure de ces jeunes : « Il faut multiplier les interventions de lycéens et d’étudiants dans les collèges de Rep pour aider les collégiens à se projeter dans des cursus », recommande Eunice Mangado-Lunetta.

* Enquête réalisée en mai et juin 2021 auprès de 882 collégiens et collégiennes en REP et REP +.

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