« Le confinement est le moment le plus politique que j’ai jamais vécu. » Le plasticien Thomas Farhat, 31 ans, a utilisé la réclusion collective imposée par le Covid-19, en 2020, comme « l’occasion d’une politisation intense ». La crise sanitaire soulève des questions de fond, relève-t-il : écocide, zoonoses, multiplication des pandémies, etc. Sans compter les restrictions de liberté… « Pendant le confinement, dit-il, j’ai relu Surveiller et punir [de Michel Foucault]. Je me suis toujours senti concerné par la politique. Mais là, ça devenait concret. »
Comme pour l’artiste parisien, le Covid a représenté pour de nombreux jeunes une occasion aiguë de se confronter à la réalité de la politique. Même si cela a aussi permis de se rendre compte de ses limites. Clémence Gardette, 22 ans, étudiante à l’Ecole normale supérieure (Ulm), a voté Macron aux deux tours en 2017. Elle n’en considère pas moins que la gestion de la crise a été « catastrophique » : « Dire, à l’été 2020, qu’il n’y aurait pas de deuxième vague relevait de la pensée magique, regrette-t-elle. Rien ne l’étayait. Cela m’a beaucoup énervée. » Etudiant en informatique à l’université de Montpellier, Hugo Maître, 21 ans, est bien conscient du fait que la politique, « c’est important et cela peut changer des choses », mais se dépêche de préciser qu’il conserve, lui aussi, un souvenir amer de la période : « Pendant l’épidémie, on s’est sentis seuls. Comme étudiant, je me sens délaissé par la politique. » Cependant, le jugement n’est pas unanimement négatif. Emmanuel Guibert, 28 ans, ouvrier dans une usine de Vendée, a subi les effets de la crise sanitaire de plein fouet. Lors du premier confinement, son entreprise s’est arrêtée. « J’ai touché le chômage partiel », se réjouit-il. Lui qui ne cache pas sa méfiance envers la politique, et a voté Le Pen en 2017, reconnaît qu’« il y a quand même de bonnes choses ».
« Je suis dans ma bulle »
En dehors des aspects liés à la crise sanitaire, les jeunes interrogés sur leur rapport à la politique confient rarement s’en désintéresser totalement. Et même quand c’est le cas, elle n’est jamais loin. Dany Wu, par exemple, admet son indifférence. « Je suis des politiques sur Instagram, mais je ne m’y intéresse pas, indique ce Parisien de 21 ans qui fréquente l’école d’art Penninghen. Je suis dans ma bulle et je n’ai pas l’impression d’être concerné. » Qu’Emmanuel Macron ait reçu un dessin dédicacé de l’auteur de manga Eiichiro Oda, qu’il ait rencontré Katsuhiro Otomo ou qu’il ait tourné une vidéo avec Mcfly et Carlito ne lui a certes pas échappé. Mais il n’est pas dupe : « Il veut montrer qu’il s’intéresse à nous, souffle-t-il. C’est 20 % de sincérité, 80 % d’envie de se faire bien voir en vue de sa réélection. » Thomas Farhat se sent, lui, très concerné. Le trentenaire s’est rendu à une manifestation non autorisée du Comité Adama, en juin 2020. « J’ai été hyper ému, confie-t-il. J’ai eu l’impression de rencontrer ma génération. » Car le sujet touche particulièrement les jeunes, estime-t-il : « La question des violences policières et les revendications du Comité Adama, c’est un sujet très clivant générationnellement. Ça a jeté un froid avec certaines personnes plus âgées que je connais. »
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