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Comment Jean-Michel Blanquer veut rapprocher les écoles des entreprises

L'Education nationale organise sa « première université école-entreprise » ce jeudi, à Poitiers. Les mentalités ont évolué, affirment, dans un entretien aux « Echos », le ministre de l'Education et le patron de Veolia, Antoine Frérot. Jean-Michel Blanquer promet plus de stages pour les enseignants et les élèves, un guichet unique pour les entreprises dans les rectorats et le développement de partenariats public-privé inspirés par IBM et les Etats-Unis.

Entretien entre Jean Michel Blanquer et Antoine Frérot au ministère de l'Education nationale
Entretien entre Jean Michel Blanquer et Antoine Frérot au ministère de l'Education nationale (Romain GAILLARD/REA pour Les Echos)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 7 oct. 2021 à 06:15Mis à jour le 7 oct. 2021 à 07:32

Comment rapprocher école et entreprise ? La question revient sur le devant de la scène d'un quinquennat à l'autre . Ce jeudi s'ouvre à Poitiers « la première université école-entreprise au service de la formation et de l'insertion professionnelle ». L'événement organisé par l'Education nationale, qui devait se dérouler avant la crise sanitaire, accueillera chefs d'entreprise, représentants des syndicats, du patronat et de l'Education nationale. L'UNSA et FO ont répondu présents. Pas la FSU, qui considère que le gouvernement « instrumentalise » la question de l'insertion des jeunes « pour distribuer de l'argent public sans conditions aux entreprises ».

En cette fin de quinquennat, « alors que l'un des principaux problèmes du moment est l'inadéquation entre les compétences et les très nombreux emplois offerts, le rapprochement est indispensable », estime le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, dans un entretien croisé pour « Les Echos » avec le président de l'Institut de l'entreprise et patron de Veolia Antoine Frérot. Le think tank s'apprête à renouveler son partenariat avec l'Education nationale.

« Beaucoup d'erreurs d'orientation »

« Les entreprises sont persuadées que plus elles ont de relations avec l'école, plus cela peut permettre aux élèves de se préparer à une partie de leur vie d'adulte : la vie professionnelle », insiste Antoine Frérot. « La plupart des élèves entendent très peu parler des entreprises, de la réalité des métiers, de la fonction publique, des ONG ou des start-up. Cela explique sans doute pourquoi il y a encore trop d'erreurs d'orientation. »

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A qui attribuer ce déficit de connaissances ? Aux enseignants ? « Oui, et vice-versa », rétorque Antoine Frérot. « Les mentalités ont changé, il n'y a pas, d'un côté, une institution rigide et, de l'autre, les entreprises cupides », insiste Jean-Michel Blanquer en balayant « un cliché ». « L'idée selon laquelle les enseignants n'aiment pas beaucoup voir d'entreprises à l'école est de plus en plus inexacte », renchérit Antoine Frérot.

« Plus de stages pour les élèves »

« Pour l'orientation, pas mal de choses ont évolué », assure Jean-Michel Blanquer en évoquant « l'objectif de 40 heures par an à partir de la 4e puis 54 heures par an à partir de la seconde ». Le défi, selon le ministre, est d'« avoir une connaissance beaucoup plus concrète et incarnée des métiers dès la 4e, grâce à la venue d'acteurs de terrain, pour parler aux élèves de leur avenir ».

Au quotidien, les chefs d'établissement regrettent pourtant « le côté virtuel » de ces heures qui entrent en concurrence avec des heures d'options facultatives . « La semaine du printemps de l'orientation organisée dans certains établissements permet aux élèves de rencontrer des professionnels », se félicite néanmoins Jean-Michel Blanquer, qui s'apprête à « diffuser des bonnes pratiques aux proviseurs ». Il promet aussi « une nouvelle étape en 2021-2022 avec une plus grande participation des régions » et « plus de stages pour les élèves de 3e, les lycéens professionnels et les apprentis ».

Doubler les stages pour les enseignants

Le ministère va aussi « systématiser des périodes régulières en entreprise pour les professeurs des lycées professionnels », en doublant les effectifs actuels, « de 5.000 à 10.000 par an ». Ils seront d'une durée variable, d'une semaine à plusieurs mois. « On garantit ainsi qu'un professeur de lycée professionnel effectue un stage en entreprise au moins tous les cinq ans », annonce le ministre.

Pour l'ensemble des enseignants, y compris ceux de la voie générale, l'Education nationale va proposer « une plus grande offre d'expériences en entreprise, via des modules de formation continue conçus avec des structures comme l'Institut de l'entreprise », notamment pour les professeurs principaux, les conseillers principaux d'éducation et les professionnels de l'orientation, complète-t-il.

« Relier les cours à l'actualité économique »

L'autre enjeu, pour Antoine Frérot, c'est l'enseignement de l'économie, « qui peut être abstrait s'il n'est pas illustré ». L'Institut de l'entreprise a ainsi créé le site Internet Melchior pour « relier les cours à l'actualité ».

« L'enjeu, c'est en effet d'illustrer », appuie Jean-Michel Blanquer qui évoque « la place plus grande faite à la microéconomie dans les programmes de 2018, ce qui permet de parler aux élèves plus fréquemment de l'économie concrète des entreprises ».

L'Institut de l'entreprise intervient aussi dans les collèges et lycées, comme l'an dernier dans les Hauts-de-France. Des « ambassadeurs de l'entreprise » parlent de leur métier et incitent à l'apprentissage. « Cela a permis d'accroître fortement le nombre de contrats d'apprentissage au niveau national », se réjouit Antoine Frérot qui s'apprête à dupliquer l'opération ailleurs.

« Il faut qu'on atteigne 800.000 jeunes en alternance par an dans le pays dans cinq ans, ce qui nous mettrait à peu près au niveau de pays comme l'Allemagne », affirme-t-il. Un chiffre à mettre en regard des 500.000 contrats d'apprentissage ou d'alternance signés en 2020 et que Jean Castex qualifiait déjà de « record historique » le mois dernier.

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Un M. ou une Mme entreprises

Chaque rectorat aura aussi son « guichet unique » pour les entreprises qui « ne savent pas par quel bout prendre la maison Education nationale », annonce Jean-Michel Blanquer. Cette mesure doit aussi permettre de « systématiser les partenariats entre lycées professionnels et entreprises ». Car l'Education nationale « évaluera l'importance des partenariats réalisés avec les entreprises », le ministre parlant d'un « jumelage accentué entre entreprises et lycées professionnels ».

« Une centaine de projets P-Tech »

Une autre piste existe pour rapprocher l'école de l'entreprise, avec le dispositif P-Tech. Conçus par IBM aux Etats-Unis, ces partenariats public privé visent à « coacher » des élèves de la seconde professionnelle jusqu'à l'obtention de leur BTS avec du mentorat et des stages, dans l'enceinte d'un lycée professionnel. Des expérimentations ont été menées en France depuis 2019 avec IBM, Orange et BNP Paribas. « On souhaite aller plus loin en démultipliant les initiatives sur l'ensemble du territoire grâce à un travail de sensibilisation au niveau de chaque département, ce qui nous permettra d'engager une centaine de projets dans les prochaines années », annonce Jean-Michel Blanquer.

« Ce dispositif, c'est la crème de la crème, s'il ne peut pas être généralisé à l'ensemble des élèves, il peut inspirer d'autres initiatives », estime Antoine Frérot. « Il peut être une locomotive », assure Jean-Michel Blanquer qui voit dans le plan « un jeune, un mentor » lancé par le gouvernement « un dispositif cousin ».

Marie-Christine Corbier

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