A la rentrée, Julie Espenon a vidé son appartement étudiant. « Plus besoin » : à l’issue de sa licence de sciences de la vie à l’université de Toulon, la jeune femme de 24 ans n’a obtenu aucun master pour poursuivre ses études. Elle avait postulé à une vingtaine de formations partout en France, en neurosciences – elle voudrait travailler sur l’autisme –, biologie, immunologie… Et observé, impuissante, les refus s’égrener jusqu’à la mi-juillet. Comme des milliers de diplômés de licence qui se trouvaient sur le carreau cette année, elle a alors saisi le rectorat, légalement tenu de lui trouver au moins trois solutions d’admission.
« On a soumis mon dossier à des masters de psychologie, sans lien avec ma licence. Cela n’avait aucun sens », s’étonne Julie qui, après avoir été refusée par les universités sollicitées, a demandé que des propositions plus adéquates soient réalisées. « Mais on était arrivé en septembre, c’était un peu tard pour trouver une place. » Les six ultimes demandes en master de biologie faites par son rectorat lui sont revenues négatives. « J’ai l’impression que tout s’est effondré. Avec mon dossier, mes profs me disaient que cela allait rouler », se désole-t-elle.
Après avoir redoublé sa première année de licence, Julie Espenon a validé ses deux dernières années avec 12 de moyenne. « Dans ma famille, je suis une des seules à avoir accédé à l’université. Je n’avais personne pour m’aiguiller, me dire par exemple de faire ma troisième année dans une autre ville avec un master ciblé », raconte cette fille d’une employée de mairie et d’un ancien gendarme. Ses cartons sous le bras, elle est rentrée au domicile familial, d’où elle envoie des CV pour des postes de technicien de laboratoire. Dans l’attente de recandidater l’an prochain… Sans aucune certitude de réussite.
Goulet d’étranglement
Maîtriser les stratégies d’orientation est devenu indispensable pour les étudiants du premier cycle universitaire, tant la pression à l’entrée en master s’est accrue ces dernières années. Si le nombre d’étudiants en licence a augmenté de 155 000 entre 2010 et 2019, il n’a progressé que de 70 000 au niveau master.
Le passage au bac + 4, moment où se fait la sélection depuis la réforme de 2017, s’est transformé en véritable goulet d’étranglement. « La tension augmente d’année en année, encore plus après deux ans de crise sanitaire où on a eu des taux de réussite plus importants », souligne Anne Fraïsse, présidente de l’université Paul-Valéry à Montpellier.
Cette année, les témoignages de détresse de jeunes sans admission ont afflué sur les réseaux sociaux, dès la fin juin, sous le hashtag #EtudiantsSansMaster. Sans solution, malgré une licence en poche et, souvent, des notes correctes, des milliers d’étudiants ont alors voulu faire valoir leur « droit à la poursuite d’études », consacré par la réforme. Selon les chiffres ministériels de fin septembre, on comptabilise ainsi 7 414 saisines classées recevables par les rectorats (contre 7 103 en 2020), pour lesquelles seulement « plus d’un tiers » des étudiants ont obtenu des propositions d’admission.
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