Depuis le 15 septembre, les personnels soignants qui ne sont pas vaccinés ne sont plus autorisés à exercer leur métier. La loi du 5 août « relative à la gestion de la crise sanitaire » a clairement fixé la règle. Si le salarié ne peut plus exercer son activité, celui-ci est suspendu, son salaire aussi, une mesure qui touche aussi les pompiers ou les salariés du transport sanitaire.
Dans le secteur de la santé, cette mesure ne concerne qu’une partie limitée des personnels. Sur RTL, le 16 septembre, le ministre de la santé, Olivier Véran, estimait le nombre de suspensions à « 3 000 sur 2,7 millions de salariés, essentiellement des services support, très peu de blouses blanches ». Aujourd’hui, alors que le ministère estime que ces données sont loin d’être exhaustives, les suspensions effectives représenteraient « 0,7 % » du nombre de personnels de santé, soit près de 19 000 salariés.
C’est peu, et les chiffres collectés dans diverses structures confirment ce faible nombre de suspensions. A l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, par exemple, leur nombre s’élèverait à 427, dont 93 infirmiers, pour quelque 100 000 personnels.
« Meurtriers potentiels »
Sophie Corbier, 28 ans, kinésithérapeute au CHU de Grenoble, a signé son avis de suspension alors qu’elle revenait juste de vacances, le 14 septembre, à une date « illégale », selon elle, qu’elle entend contester devant les tribunaux. La jeune femme se dit « écœurée ». « Ici, on préfère fermer des lits et virer les personnels non vaccinés », proteste-t-elle. Elle déclare « ne pas avoir confiance dans les labos, les médias et ceux qui dirigent le monde ». Pourtant, le virus, elle le connaît pour avoir été contaminée en novembre 2020 après de « grosses séances de kiné respiratoires sur des malades Covid ». Mais ce qui touche le plus la jeune femme, c’est la réaction de ses collègues, tous vaccinés. « J’ai ressenti du mépris de la part de mes collègues. Il y en a un qui m’a dit “tu as pris ton choix”, mais quel choix ? On nous a mis le couteau sous la gorge. Je ne suis pas bien psychologiquement. »
La suspension passe mal auprès des soignants qui estiment avoir participé à la mobilisation générale contre la pandémie. « Il y a un an, on nous applaudissait, le gouvernement nous remerciait et, dix-huit mois plus tard, sans état d’âme, on nous sort des services comme si on était des meurtriers potentiels », peste Edwige (certains des témoins ont préféré préserver leur anonymat), infirmière en chirurgie ambulatoire au centre hospitalier de Lisieux (Calvados). A 53 ans, dont trente années de métier, elle a reçu sa notification de suspension, le 15 septembre, dans son service, devant ses collègues, des mains du directeur des ressources humaines. « C’était très violent. J’ai très mal vécu cette situation, d’autant que j’avais répondu positivement à la demande de renfort en réa lors de la première vague. »
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