Ne leur parlez pas de « recette miracle » pour les décrocheurs scolaires. L’expression fait bondir l’équipe des sept enseignants du microlycée de Caen. Dans cette structure, qui s’est implantée il y a quatre ans au lycée Jean-Rostand, on « tâtonne », on « expérimente », pour raccrocher à l’école des jeunes qui s’en sont éloignés. Au moins un an, parfois beaucoup plus : jusqu’à trois ans voire, quatre pour certains des 43 élèves accueillis.
« Il n’y a pas de jurisprudence », martèlent les professeurs rassemblés, ce jeudi de la fin septembre, dans leur salle commune. La petite pièce a été baptisée « salle Séléné », la « déesse des solutions », peut-on lire sur l’affichette placardée au-dessus de la poignée. Le ton est donné : dans cet espace censé servir de « bureau de la coordination », les élèves vont et viennent. Sans s’étonner qu’on puisse parler d’eux et des trésors de pédagogie qu’il faut déployer pour qu’ils retrouvent, chacun à leur façon, le chemin de l’école.
Cela se joue par étapes. D’abord, une sélection sur entretien, ouverte aux jeunes de 16 ans et plus. « On n’accepte que ceux qui, à la question : “Tu feras quoi si on ne te prend pas ici ?”, nous répondent : “Rien”, explique Patrice Eustache, qui coordonne la structure. On est l’ultime filet, la solution de dernier recours. » Une soixantaine de candidatures lui sont soumises à chaque rentrée ; quinze par niveau sont retenues. La crise liée au Covid-19 n’a pas fait « s’envoler » la demande, constate cet ancien professeur de sciences économiques. Mais les statistiques ne disent pas tout : « Avec le confinement, ce sont les situations individuelles des élèves, les ruptures familiales, la souffrance, l’isolement, le stress d’une orientation mal choisie, voire pas choisie du tout, qui ont pu empirer, constate-t-il. On la voit là, plus que dans les chiffres, l’aggravation du décrochage. »
Passé le sas d’entrée, l’élève va suivre deux années scolaires – la 2de, puis la 1re – en « microclasse », entre ex-« décrocheurs ». Et une dernière année, celle de terminale, intégré dans une classe « classique » à effectifs « classiques » ; autrement dit, dans l’une de celles du lycée Jean-Rostand. Ce choix de l’« inclusion » fait la spécificité du microlycée de Caen : toutes les autres structures de ce type (Jean-Michel Blanquer a voulu qu’il y en ait au moins une par académie, du temps où il était directeur général de l’enseignement scolaire, en 2010) évitent que ne se croisent, en classe, ces cohortes de lycéens.
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