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Témoignage

« Ancien directeur des ressources humaines, je suis devenu magistrat »

TEMOIGNAGE// Vincent, 38 ans, a exercé pendant dix ans dans le secteur des ressources humaines. En 2019, il a décidé de se reconvertir et de passer la suite de sa carrière dans l'enceinte d'un Palais de justice. Il est désormais substitut du procureur.

Vincent a passé le concours de l'ENM destiné aux personnes en reconversion.
Vincent a passé le concours de l'ENM destiné aux personnes en reconversion. (Virginie Gruenenberger/ENM)

Par Chloé Marriault

Publié le 5 oct. 2021 à 07:00Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

« En 2019, alors que j'étais DRH dans une PME, celle-ci a été placée en liquidation judiciaire. J'ai été licencié pour motif économique. Dès lors, j'ai envisagé de concrétiser le projet que je mûrissais depuis deux ou trois ans : me reconvertir dans la magistrature. Dans le privé, j'avais le sentiment de servir exclusivement les intérêts de mon employeur. En passant dans la fonction publique, je voulais servir l'intérêt général à mon niveau, me sentir utile.

J'avais déjà tenté le concours pour intégrer l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) après mon master en droit, lorsque j'avais 23 ans. A l'époque, je voyais la fonction de magistrat comme la plus difficile d'accès et la plus prestigieuse dans le domaine du droit. Je n'avais in fine pas réussi le concours. Je m'étais donc orienté vers les ressources humaines, en faisant un second master, cette fois-ci dédié à l'administration des entreprises.

S'enchaînent ensuite dix ans dans le secteur des ressources humaines. D'abord en tant que chargé de recrutement, puis responsable RH et finalement DRH. J'aimais ce métier qui comportait beaucoup de relationnel. Il demandait aussi de la rigueur et de savoir gérer des situations parfois tendues, notamment dans le cas de procédures disciplinaires, où un salarié était susceptible de recevoir un avertissement ou d'être licencié.

Cinq mois pour se préparer au concours

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A la suite de mon licenciement, j'ai souhaité passer le concours complémentaire de l'ENM. Celui-ci est ouvert aux personnes âgées d'au moins 35 ans titulaires a minima d'un Bac+4 et qui ont déjà derrière elles au moins sept ans d'expérience professionnelle. Pour le préparer, j'ai suivi pendant cinq mois une prépa à l'Université Paris I. Il a fallu que je me replonge dans les rédactions de dissertations et de notes de synthèse. Le rythme était intense, d'autant que mon troisième enfant est né un mois avant les épreuves.

Cette fois-ci, j'ai été admis. Après une formation d'un mois à Bordeaux, il faut effectuer six à huit mois de stage dans un tribunal judiciaire. À l'issue de la formation, j'ai été déclaré apte à exercer le métier de magistrat. Depuis, je travaille en tant que substitut du procureur.

Des situations difficiles à gérer émotionnellement

Mon rôle ? Je suis chargé de diriger les enquêtes de police et de gendarmerie et, à leur achèvement, de décider s'il faut engager ou non des poursuites devant le tribunal. Je représente le ministère public à l'audience, durant laquelle je requiers une peine au nom de la société.

Je m'occupe également du cabinet dédié aux mineurs qui commettent des délits ou des crimes ou qui en sont victimes. Je travaille en étroite relation avec les juges des enfants, les services de l'aide sociale à l'enfance, les divers partenaires institutionnels, mais aussi les services de l'Education nationale et les services hospitaliers, susceptibles de me signaler des situations préoccupantes.

Si un danger immédiat menace un enfant, je peux décider de placer en urgence celui-ci pour assurer sa sécurité. Je peux également solliciter le juge des enfants pour la mise en place de mesures éducatives sur la durée (des interventions des services sociaux à domicile par exemple), en lien avec les parents de l'enfant et dans l'intérêt primordial de celui-ci.

Au quotidien, on fait parfois face à des situations difficiles à gérer humainement et émotionnellement. Par exemple lorsque l'on doit traiter des affaires d'agressions sexuelles sur enfants ou de violences conjugales. L'objectif : ne pas se laisser emporter par l'émotion mais prendre de la hauteur et faire au mieux pour que les auteurs soient poursuivis et condamnés, et que les victimes soient protégées et indemnisées.

Un métier qui requiert d'être mobile

Les journées de travail sont denses. Une semaine par mois, je suis de permanence. Je dois alors gérer toutes les urgences, en étant joignable nuits et week-end. Je dois notamment suivre le déroulement des gardes à vue et décider des réponses pénales à y apporter, comme la convocation devant le tribunal correctionnel, ou, lorsque la complexité des faits impose davantage d'investigations, une poursuite de l'enquête ou une ouverture d'information judiciaire. Je suis également susceptible de me déplacer sur le terrain, si la gravité des faits l'impose.

Dans la magistrature, le premier poste que l'on obtient dépend de notre classement au concours d'entrée. Pour ma part, je n'exerce pas dans la ville où réside ma famille. Je loue donc un logement la semaine et retrouve mes proches le week-end. Mais ma femme et moi savions qu'en m'engageant dans cette voie il me faudrait être mobile, au moins en début de carrière.

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Après trois ans à ce poste, il me sera possible de choisir une autre fonction et de demander une autre ville d'exercice. Je pourrai par exemple choisir d'être juge d'instruction ou juge des enfants. Pour l'heure, ma fonction me convient parfaitement. »

Propos recueillis par Chloé Marriault

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