Barbara Fouquet-Chauprade est sociologue de l’éducation et maître d’enseignement et de recherche à l’université de Genève. Elle coprésidera à la mi-novembre, à Paris, avec d’autres chercheurs, une conférence de comparaison internationale sur la gouvernance des politiques éducatives organisée par le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco). Elle interroge la « complexité » à faire campagne pour une école plus juste, moins inégalitaire.
L’école s’est imposée comme un thème fort de ce début de campagne présidentielle. Comment l’analysez-vous ?
J’avais été plutôt étonnée de son absence relative lors de la précédente campagne ; on peut donc se réjouir de cette irruption précoce. Que l’école soit, d’ores et déjà, au cœur du débat est plutôt un signal positif.
Cela dit, elle l’est à un niveau de généralités encore important. On entend raisonner, un peu comme des slogans, des mesures emblématiques – « l’école du futur » dans la bouche du chef de l’Etat, le « doublement des salaires » dans celle d’Anne Hidalgo [candidate du Parti socialiste], des propositions communes à Xavier Bertrand et à Valérie Pécresse [candidats à l’investiture du parti Les Républicains] sur le recrutement ou les « fondamentaux »… Mais sur la capacité à concrétiser de telles promesses et à les insérer dans de réels projets, on est encore dans le flou.
Cela traduit-il un rapport différent à l’école après dix-huit mois de crise sanitaire ?
Il est certain que la crise sanitaire est venue rappeler à tous, et aux décideurs en premier lieu, l’importance que revêt l’école pour les familles. A-t-elle pour autant bouleversé notre rapport à l’école ? Je n’en suis pas sûre. A ce stade, les premières propositions mises en débat disent quelque chose des postures politiques de départ, sans révéler encore vraiment le projet (ou les projets) de société qu’il y a derrière.
Ces postures, par ailleurs, ne sont pas tout à fait inattendues : en puisant, à droite, dans une inspiration libérale, en misant, à gauche, sur les questions des ressources humaines, les premiers candidats (ou les candidats pressentis) sont chacun à leur place, chacun dans leur rôle. Il n’y a pas pour le moment de rupture radicale avec les positionnements passés.
Si l’on s’en tenait à ce que nous disent les enquêtes nationales et internationales, il y aurait une logique à concentrer ce discours politique sur la question de la réduction des inégalités. Or ce n’est pas, ou rarement, le cas…
La recherche montre une augmentation continue des inégalités. La France est le pays où on explique le plus les inégalités scolaires par l’origine sociale des élèves. La crise sanitaire est venue le rappeler, et peut-être même l’exacerber.
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