Cet été, ils sont partis trois jours dans les Cévennes. Une vingtaine de personnes réunies dans un gîte isolé du nord du Gard, avec un ruisseau à portée d’oreilles. Au programme : randonnée, repos, fête. Un moment de partage et de dépaysement avant de retrouver le chemin de « leur » école. Christophe Boissier, l’organisateur de ce rituel d’avant-rentrée, juge ces retrouvailles entre professionnels de l’éducation essentielles : « On a besoin de ce moment pour attaquer ensemble l’année scolaire, c’est ce qui nous fait tenir, c’est notre ciment. »
Le sexagénaire dirige l’école Georges-Bruguier. Cet établissement de seize classes et 250 élèves, classé parmi les réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP+), est installé au cœur du Chemin-Bas-d’Avignon, un quartier de Nîmes gangrené par le trafic de drogue. Depuis plusieurs années, les règlements de compte entre dealeurs n’y sont pas rares, même en plein jour. Une criminalité à ciel ouvert qui s’affranchit des barrières de l’école.
Le quotidien, parfois, devient trop rude. Il y a dix mois, Christophe Boissier a pris sa plume pour s’adresser directement au président, Emmanuel Macron. Dans une lettre ouverte en date du 4 janvier 2021, six mois après qu’un jeune a été abattu devant l’école, quelques jours après des balles perdues sur la façade de l’établissement et plusieurs intrusions dans les bâtiments, il a dénoncé une situation devenue insupportable pour les enfants et les adultes.
Pas question de déserter
Neuf mois plus tard, la tempête est passée et les caméras sont reparties. La rentrée de septembre s’est passée sans accroc. Il a retrouvé la vie retranchée de cette école élémentaire construite au pied des vieilles tours des années 1960, désormais protégée par une grande enceinte de trois mètres de haut. « Ça doit empêcher les dealeurs de pénétrer dans nos locaux », explique-t-il, en saluant au portail les mères qui arrivent.
La passe d’arme de l’hiver dernier ne lui a pas fait perdre la foi : « C’est ici que je suis utile, ici que l’on a besoin de moi : je suis à la fois concierge, plombier, surveillant, conseiller pédagogique, traducteur, manageur. » Il va retarder pour une année au moins son départ à la retraite. Il a 60 ans et ne veut pas « partir comme ça » du quartier. Malgré les récentes difficultés, un seul enseignant a quitté l’école. Une dizaine de familles, en revanche, ont décampé. Et ça le tracasse. « Si elles s’en vont, que restera-t-il dans ces cités ? » Quand il a été question de délocaliser l’école, il s’est exprimé contre. Pas question de déserter.
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