Hugo Spini, alias Whereverhugo, a adoré l’exposition « Paris-Athènes », actuellement au Louvre. Il s’en est fait l’écho sur Twitter en rappelant en 280 signes la naissance de la Grèce moderne et la participation de la France à des découvertes archéologiques d’ampleur. Avant de se lâcher : « Si j’arrive pas à vous convaincre que c’est hyper intéressant comme sujet, bah allez-y pour les fesses d’Apollon et les gros pecs d’Antinoüs. » Le dérapage est aussi contrôlé que le ton décalé, mais non moins docte, de Camille Jouneaux, alias La Minute Culture, qui, sur Instagram, popularise les grands mythes grecs.
Bienvenue dans le monde des influenceurs de l’art. Une dénomination que ces trentenaires contestent, lui préférant celle, moins connotée, de « créateurs de contenu numérique ». Quoique parfois raillés par les doctorants en histoire de l’art, ces instagrameurs ne se mettent pas en scène devant des produits pour mieux les vendre. « On n’encourage pas à consommer », précise Christophe Michaut, alias Mr. Bacchus, 32 ans, ancien mannequin. « On travaille beaucoup plus que les influenceurs du luxe, mais on est beaucoup moins payés », ajoute Margaux Brugvin, dont les vidéos, très populaires sur Instagram, requièrent souvent trois à quatre jours de préparation.

C’est lors du premier confinement, après avoir vu ses missions de stratégie numérique annulées les unes après les autres, que la jeune diplômée d’histoire de l’art s’est mise à publier sur Instagram des vidéos abordant l’art sous l’angle du féminisme.
« Proximité directe avec le public »
En à peine trois mois, à sa surprise, elle recensait 10 000 abonnés – elle en compte 36 500 aujourd’hui. Aussitôt, la foire Galeristes, qui se tient alors au Carreau du Temple, lui commande de courtes vidéos. Depuis, elle a noué des collaborations rémunérées avec Paris Musées, qui chapeaute quatorze établissements de la capitale, ainsi qu’avec le Musée d’art contemporain de Lyon. Autant d’institutions qui rêvent de rajeunir leur cible et de capter une génération qui passe jusqu’à deux heures par jour devant un écran de smartphone.
Béatrice Martini, qui dirige l’agence de communication culturelle du même nom, le reconnaît, ses « clients sont de plus en plus en demande de relations avec les influenceurs qui permettent une proximité directe avec le public ».

Qu’importe si, à la différence des chouchous de la mode, ces « influenceurs art » ne comptabilisent pas des millions d’abonnés sur Instagram – La Minute Culture, la plus suivie, en aligne 123 000. « Pour les musées, c’est une façon de chercher une connivence avec une audience qui aime un ton différent », indique Camille Jouneaux, dont la communauté se compose principalement de jeunes de 18 à 34 ans. Margaux Brugvin abonde dans son sens : « Notre plus-value, c’est qu’on a un regard, une personnalité, on n’est pas dans la neutralité journalistique. »
Excepté la foire d’antiquités Tefaf, qui, en septembre, avait commandé à Mr. Bacchus une carte blanche pour valoriser les exposants français de sa plate-forme en ligne, les foires se montrent encore hésitantes. A la FIAC, qui se tient à Paris du 21 au 24 octobre au Grand Palais éphémère, on considère ainsi que les « influenceurs les plus importants sont les galeristes, les collectionneurs, artistes et visiteurs ». Comprenez : pas besoin des instagrameurs pour rayonner.
Le galeriste Emmanuel Perrotin, qui a souvent un coup d’avance, les invite toutefois depuis deux ans à ses previews, sans pour le moment monnayer leurs contenus. « Mais nous ne sommes pas dogmatiques, précise sa directrice de communication, Vanessa Clairet. Comme pour le reste, nous continuons de nous adapter à l’évolution des pratiques. »
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