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Témoignage d'un transclasses

Transclasse : «J’ai voulu réhabiliter les parents»

Fils de chauffeur poids lourd, normalien, le journaliste Adrien Naselli montre le rôle essentiel des parents dans les parcours de transclasses.
par Elsa Maudet
publié le 21 octobre 2021 à 2h49

Adrien Naselli, journaliste indépendant, diplômé de l’Ecole normale supérieure et du Centre de formation des journalistes, auteur de Et tes parents, ils font quoi ? Enquête sur les transfuges de classe et leurs parents (JC Lattès).

«Quand on évoque la méritocratie, on ne fait parler que ceux qui en bénéficient. J’ai voulu corriger cela en réhabilitant les parents, et en évitant une lecture misérabiliste des parcours transclasses : je n’ai pas eu une vie particulièrement douloureuse. Et puis, être transfuge de classe aujourd’hui, c’est plutôt un atout tant cette figure est valorisée. Presque tous les parents de transclasses que j’ai rencontrés surveillaient leurs enfants, l’heure à laquelle ils rentraient à la maison et la façon dont ils faisaient leurs devoirs. Beaucoup leur ont mis des livres entre les mains. Dans les familles immigrées, le mot d’ordre récurrent était «tu dois y arriver !» avec l’espoir que leur enfant fasse mieux qu’eux.

«Je viens d’un village à côté de Grenoble. Mon père était conducteur de poids lourd, puis conducteur de bus, et ma mère, secrétaire. J’ai eu le parcours classique d’un étudiant qui ne sait pas quoi faire après le bac et qui n’a aucun réseau. Quasiment tous mes cousins font le métier de leurs parents. Ma cousine, par exemple, est aide-soignante, comme sa mère. La fac, c’est la période où j’ai le plus travaillé, au sens scolaire du terme, parce que j’étais déterminé à m’en sortir dans cette jungle. Deux ou trois profs ont repéré cette assiduité et m’ont suggéré de m’inscrire à la section parallèle d’admission à l’Ecole normale supérieure de Paris, qui permet d’entrer sur dossier et pas sur concours, ce que j’ai fait. J’ai été reçu. Mes parents m’avaient pourtant dit de ne pas aller à l’ENS, que ça ne servait à rien, que j’avais tout ce qu’il fallait à Grenoble. Ils voulaient que je fasse un IUT info-com parce que c’était une formation professionnalisante. Les catégories plus favorisées attendent du prestige pour leur enfant ; pour mes parents, c’était trop cher, trop loin.»

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