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Témoignage

«Les femmes transfuges de classe écrivent peu sur leur propre trajectoire»

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Issue d’une famille de onze enfants vivant en milieu rural, la sociologue Rose-Marie Lagrave a retracé le poids de l’école et des rencontres dans son parcours.
par Elsa Maudet
publié le 21 octobre 2021 à 2h50

Rose-Marie Lagrave, sociologue, directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), autrice de Se ressaisir. Enquête autobiographique d’une transfuge de classe féministe (La Découverte).

«Mes grands-parents paternels étaient agriculteurs en Auvergne, des gens simples. Du côté maternel, mon grand-père était jardinier, ma grand-mère cuisinière dans une grande maison bourgeoise. Mes parents ont connu une brève ascension sociale. Mais pendant la guerre, mon père a contracté la tuberculose et ils ont vécu un déclassement du jour au lendemain. Ils ont quitté la région parisienne avec leurs onze enfants pour un petit village de Normandie. Nous parlions un français correct, et les instituteurs ont vu le bénéfice qu’ils pouvaient tirer à nous faire passer l’examen des bourses pour aller au lycée.

«Lorsque j’ai fait l’état des lieux des récits de transfuges de classe, je me suis aperçu que la majorité était écrite par des auteurs masculins et que les femmes écrivaient peu sur leur propre trajectoire, en dehors des romans. Le fait d’être une femme dans l’enseignement supérieur est déjà tellement difficile qu’on ne ramène pas ses propres origines sociales pour rajouter des handicaps à ceux qui sont déjà là.

«J’ai essayé de procéder comme le fait une sociologue, c’est-à-dire de faire une enquête sur ma propre famille mais avec des matériaux extérieurs à ma mémoire. Trouver des documents objectifs, des archives, des entretiens, des photographies, des c

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