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Fragments de France

« Plutôt que de rien faire, ça me change les idées d’être là » : au McDonald’s de Viriat, une école de la deuxième chance

Par  (Viriat (Ain), envoyée spéciale) et Capucine Bailly (Photos)
Publié le 20 octobre 2021 à 04h30, modifié le 03 novembre 2021 à 20h42

Temps de Lecture 9 min.

Mercredi 12 h 30, c’est le rush. Toaster le pain, envoyer la sauce ketchup, lâcher cornichons et oignons, glisser le steak entre deux tranches de cheddar, refermer et emballer le tout : à chacun sa mission éclair. Les « équipiers », répartis sur quatre lignes droites, rejouent à l’infini une chorégraphie au cordeau. A la guerre comme à la guerre, dans la cuisine du McDonald’s de Viriat (Ain). De l’autre côté du comptoir, les enfants exigent leur « Happy Meal ».

100 « Fragments de France »

A six mois de l’élection présidentielle, Le Monde brosse un portrait inédit du pays. 100 journalistes et 100 photographes ont sillonné le terrain en septembre pour dépeindre la France d’aujourd’hui. Un tableau nuancé, tendre parfois, dur souvent, loin des préjugés toujours. Ces 100 reportages sont à retrouver dans un grand format numérique.

Le front se situe à l’entrée de la zone commerciale La Neuve, en bordure de rond-point, à deux kilomètres au nord du centre de Bourg-en-Bresse. « Ici, c’est comme la Légion, une fois qu’on a fait ça, on peut tout faire », assure Rouben Malians, 62 ans, locataire gérant du restaurant. Ce franchisé chapeaute cinq autres McDonald’s dans la région. « On a remplacé l’armée. A mon sens, c’est le dernier endroit où, sans distinction de race, d’études ou de religion, on entre à niveau égal pour apprendre à faire tous la même chose : couper les tomates, faire les frites et les hamburgers. »

Les « équipiers » s’activent, au McDonald’s de Viriat (Ain), le 22 Septembre 2021.

Amanda Hezzaz n’a pas été acceptée ailleurs. « Déscolarisée » à 16 ans, elle évoque sa « galère » au lycée, quand elle n’a trouvé de place « nulle part ». McDonald’s représente alors une école de la deuxième chance, comme pour nombre de ses collègues aux parcours cabossés. « Au début, j’avais honte de travailler à McDo. Je ne voulais pas aller dans celui du centre, j’avais peur qu’on se moque de moi de pas faire de grandes études. Mais, au final, c’est pas un travail nul. »

Amanda Hezzaz, 17 ans, au McDonald’s de Viriat (Ain) où elle est employée, le 22 septembre 2021.

Troisième d’une fratrie de six, la salariée de 17 ans attend chaque jour sa mère, femme au foyer, qui fait les allers-retours en voiture dès qu’elle peut. Ses parents, Marocains tous les deux, sont divorcés : « Mon père est resté au Maroc, précise Amanda Hezzaz, face à un McFlurry aux M & M’s, avec nappage caramel. Il est dans les caftans, les robes de luxe et de mariée. »

« On rigole, mais le travail est fait »

Pointer à McDo permet d’abord de retrouver un cadre et des amis : « J’avais rien à faire, je dormais toute la journée. Ici, tout est en ordre. On rigole, mais le travail est fait. Brian [le directeur du restaurant], il a cru directement en moi : ça m’a donné la foi. » Musulmane, Amanda fait ses cinq prières par jour, chez elle, avant et après le service. Avec son salaire, elle s’offre « des caprices : des vêtements, du maquillage, un peu de tout… ».

Comme Amanda, Hiba Belhoua vient de passer aux 35 heures, le maximum possible. Elle aussi arbore d’immenses faux cils noirs, à la façon des filtres sur TikTok. On la remarque avec son polo rose, quand tous les autres « équipiers polyvalents » sont en bleu marine. Le rose, c’est l’uniforme de l’hôtesse d’accueil : Hiba court d’une table à l’autre pour servir les clients pressés. « Plutôt que rien faire, ça me change les idées d’être là, je vois des nouvelles personnes tous les jours », dit-elle. Elle veut devenir infirmière.

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