Début octobre, la galerie Templon a envoyé à ses collectionneurs un avant-goût des œuvres exposées à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), qui s’est tenu jusqu’au 24 octobre au Grand Palais éphémère, à Paris. A peine le courriel envoyé qu’une dizaine de clients de fraîche date ont mordu à l’hameçon. Leur particularité ? Ils ont entre 20 et 40 ans, gardent l’œil rivé sur leur smartphone et dépensent, en un clic, des dizaines ou des centaines de milliers de dollars avec une insolente facilité. Depuis juin, la galerie parisienne a comptabilisé près de quarante nouveaux jeunes acheteurs.
« Comment convaincre les collectionneurs milléniaux ? » Telle est désormais la question existentielle du marché de l’art, formulée par la plate-forme de vente en ligne Artsper, en novembre 2020. Et pour cause : ces jeunes nés entre 1980 et 2000 dépensent aujourd’hui dans l’art plus que n’importe quelle autre catégorie d’acheteurs. D’après le rapport Art Basel et UBS, publié en septembre 2021, 35 % des collectionneurs de 20 à 40 ans très argentés consacreraient plus de 30 % de leur fortune à l’art, soit deux fois plus que les baby-boomeurs.
Au premier semestre, leur dépense médiane s’élevait à 378 000 dollars (325 000 euros), presque quatre fois plus que celle des baby-boomeurs. Certains ont déjà ouvert des musées privés, comme le Chinois Michael Xufu Huang, 27 ans, fondateur de M Woods, à Pékin.
« Ils sont terriblement importants »
« Ils sont terriblement importants », admet Sebastian Fahey, directeur général Europe chez Sotheby’s, qui comptabilise « quatre fois plus d’acheteurs âgés entre 20 et 30 ans qu’il y a cinq ans ». Chez Christie’s aussi, « près de 45 % de nos nouveaux clients asiatiques sont des milléniaux », s’enthousiasme Julien Pradels, directeur général de Christie’s France.
Ces jeunes, souvent issus de la finance et de l’économie du Net, gagnent leur vie de plus en plus tôt et de mieux en mieux. Et surtout, ils vont vite, très vite. « Ils sont plus intuitifs que leurs aînés, ils ne réfléchissent pas dix ans avant d’acheter une œuvre à quelques milliers d’euros », reconnaît Benoît Porcher, directeur de la galerie parisienne Semiose, dont 50 % de la clientèle se compose de milléniaux.
« Ils ne réfléchissent pas dix ans avant d’acheter une œuvre à quelques milliers d’euros », Benoît Porcher, directeur de la galerie Semiose
Ainsi de Raphaël Isvy, 31 ans. Voilà encore cinq ans, ce commercial dans le monde des logiciels bancaires achetait des estampes. Aujourd’hui, il possède une centaine d’œuvres, accrochées pour partie dans son appartement parisien. Malgré la concurrence rude des acheteurs plus chevronnés, il a pu acquérir de haute lutte une œuvre de Robert Nava, une coqueluche de Chicago, dont la galerie, Pace, présente des œuvres à la FIAC, ainsi qu’un tableau d’Oli Epp, autre star des réseaux sociaux, dont les peintures raillent gentiment notre monde surconnecté.
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