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Analyse

Du « moins de fonctionnaires » au « plus de service public »

La présidentielle 2017 avait vu les candidats s'affronter calculette à la main sur des chiffres de baisse du nombre de fonctionnaires, vus comme un baromètre du sérieux budgétaire. Sans qu'en fin de compte, pas plus que lors des précédents quinquennats, l'objectif annoncé soit tenu. Les crises des « gilets jaunes » et du Covid, ainsi que le retour du régalien, ont déplacé l'enjeu vers une amélioration de la qualité des services au public.

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(Kristelle Rodeia pour Les Echos)

Par Leïla de Comarmond

Publié le 26 oct. 2021 à 07:50Mis à jour le 26 oct. 2021 à 10:28

L'engagement chiffré de baisse des effectifs de la fonction publique est un classique des campagnes électorales. A l'occasion des élections législatives de 1893, la réduction du nombre de fonctionnaires « se plaça quasiment au premier rang des promesses », rappelle l'historien Emilien Ruiz dans le livre très instructif qu'il vient de publier chez Fayard, intitulé « Trop de fonctionnaires ? ».

D'abord ciblée sur la lutte contre la bureaucratie, la thématique a pris une dimension nouvelle au tournant des années 1990. C'est devenu un baromètre de la volonté politique de lutte contre les déficits publics, une promesse de discipline budgétaire.

Surenchère en 2017

La campagne de 2017 a été particulièrement marquante, tant elle a donné lieu à une surenchère sur le sujet. François Fillon , vainqueur de la primaire de la droite et du centre, avait promis, s'il était élu, de supprimer rien moins qu'un demi-million de fonctionnaires. Emmanuel Macron , qui fut élu, avança le chiffre de 120.000 postes de moins en cinq ans dont 50.000 dans la fonction publique de l'Etat et 70.000 dans les collectivités locales.

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Elle avait beau être plus réaliste, la promesse a vite volé en éclat contrairement à ce que laissait penser la première affiche gouvernementale avec Edouard Philippe en Premier ministre, Gérald Darmanin en charge des Comptes publics et même, à l'Economie, Bruno Le Maire, qui avait aussi plaidé lors de la primaire de la droite pour la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires.

A l'automne 2018, la crise des « gilets jaunes » a conduit l'exécutif à diviser l'objectif de baisse par cinq pour l'Etat, à 15.000 postes . Puis est venue la crise du Covid qui a donné le coup de grâce. Au 31 décembre 2019, dernier chiffre connu, 5,61 millions d'agents travaillaient au sein de la fonction publique, contre 5,53 millions au 31 décembre 2017. D'après la dernière estimation de l'évolution de l'emploi trimestrielle publiée par l'Insee en septembre dernier, 36.600 emplois auraient été créés dans la fonction publique en 2020.

Coup de rabot

Plutôt qu'un échec de l'exécutif, c'est le non-sens de l'affichage d'un chiffre de baisse des effectifs qu'aura révélé ce quinquennat. Les prédécesseurs d'Emmanuel Macron n'ont pas fait mieux que lui. Même le quinquennat de Nicolas Sarkozy, pourtant le plus volontaire, se sera soldé par une progression au global du nombre de fonctionnaires emmenée par des collectivités locales à l'origine d'une grande partie de la hausse des emplois dans la fonction publique ces dernières années.

C'est certes un constat d'impuissance, mais pas seulement. La politique du chiffre qui découle des engagements de campagne a des effets négatifs. Entre 2007 et 2012, près de 100.000 postes ont été supprimés au sein de l'Etat sur les 150.000 promis. Mais cela n'a pas été forcément gage d'efficacité, comme l'a montré un rapport conjoint entre les inspections générales des finances et des affaires sociales. « L'idée de départ de la Revue générale des politiques publiques qu'on avait engagée alors, était d'analyser service par service les sureffectifs, mais c'est devenu un monstre de bureaucratie et ça s'est terminé par un coup de rabot général », reconnaît un ancien membre de cabinet ministériel de l'époque.

Les « gilets jaunes » et l'épidémie de Covid auront, eux, révélé l'existence d'une forte demande de service public de proximité et de protection qui ne fait pas bon ménage avec une calculette.

« Une comptabilité un peu malsaine »

La roue a tourné au point qu'en mars, lors d'une convention des Républicains consacrée à l'efficacité de l'action publique, Eric Woerth, aux affaires au moment de la RGPP, déclarait : « Il y a peut-être quelque chose qui va vous étonner, c'est que nous n'avons pas affiché d'objectif chiffré, et pourtant on a le profil, par exemple sur les effectifs des fonctionnaires qu'on souhaite voir baisser ».

« Pourquoi ? Parce qu'on l'a beaucoup fait et qu'on s'aperçoit que ces objectifs, souvent, on ne les atteint pas, ça crée de la polémique et au fond une forme d'inefficacité avec une résistance anormale, une comptabilité un peu malsaine », a-t-il ajouté. En fin de compte, le « projet pour la France » adopté le mois dernier par le parti se refuse à quantifier les suppressions de postes de fonctionnaires.

Du côté des prétendants à la candidature présidentielle LR qui doivent s'affronter début décembre en congrès , l'heure n'est pas à la bataille des chiffres . Parmi les trois candidats qui tiennent la corde, Valérie Pécresse est la seule à s'y être lancée. Elle a commencé par promettre la suppression de 10 % des effectifs des « administrations administrantes ». Puis a avancé le chiffre de 150.000 postes à supprimer en cinq ans gonflés peu après à 200.000. Michel Barnier , lui, se refuse catégoriquement à donner des chiffres. Xavier Bertrand affirme la nécessité de réduire les effectifs, mais plaide pour « du sur-mesure ».

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Un nouveau consensus tend à émerger, celui de la nécessité de muscler les services publics dans les territoires en plus des fonctions régaliennes. Ce qui ouvre le dossier majeur, à l'enjeu très qualitatif, du partage des tâches entre Etat central et collectivités locales. 

Leïla de Comarmond

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