Les classes préparatoires de proximité, un modèle essentiel mais fragile

Juliette Chaignon Publié le
Les classes préparatoires de proximité, un modèle essentiel mais fragile
Les prépa de proximité permettent à des élèves d'intégrer des formations qu'ils pensaient inaccessibles. // ©  DEEPOL by plainpicture
Situées dans des villes de taille moyenne ou en périphérie de grandes villes, les prépas "de proximité" permettent d’élargir l’accès à ce cursus élitiste mais peinent à résister à l’influence des classements.

Pour s’inscrire en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) près de chez soi, mieux vaut habiter dans une grande ville que dans le Cantal, les Landes ou la Meuse. Ces classes se situent en majorité à Paris (31% des élèves) et dans les douze plus grandes métropoles (28%). Environ un département sur deux accueille une prépa. Ceci est valable pour les CPGE littéraires, pour les scientifiques c’est huit sur dix environ.

Pour Denis Choimet, président de l’Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques (UPS), cela constitue "un maillage académique assez fin", avec la possibilité au sein d’une académie de trouver une classe préparatoire correspondant à chaque élève en fonction de son niveau, notamment grâce aux prépas "de proximité".

Ces classes, développées depuis les années 1980, doivent offrir un meilleur accès aux CPGE. "Dans les années 90, il y a eu beaucoup de création de classes préparatoires", indique Damien Framery, président de l’Association des professeurs de première et de lettres supérieures (APPLS). L’objectif était de rapprocher "géographiquement et socialement" les élèves éloignés des classes préparatoires et "de faire sauter les verrous de l’auto-censure". Le nombre d’établissements s’est depuis stabilisé autour de 363 établissements publics et 94 établissements privés, soit deux fois plus qu’il y a 30 ans.

Ces dix dernières années, les ouvertures de classes concernent surtout des filières technologiques (TSI, ATS, TPC), dans des villes moyennes ou en périphérie de grandes villes pour des élèves moins favorisés. En prépa, 28% des élèves touchent une bourse (contre 39% à l’université) mais "cela peut atteindre plus de 50% dans les filières technologiques", se satisfait Denis Choimet.

Un bilan mitigé mais à défendre

Une étude parue en 2019 dans la revue Education & formations juge les effets des prépas de proximité "moindres qu’espérés". Cette filière sélective reste "mal connue d’une grande partie de la population d’élèves et associée à une réputation fortement élitiste, en partie seulement avérée, mais cause d’autocensure". Plus précisément, parmi les 84.000 préparationnaires annuels se trouvent 48,5% d’enfants de cadres et professions intellectuelles supérieures (contre 30% à l’université).

Pour les représentants des professeurs de prépa, il faut continuer à défendre ces "petites" prépas. "On peut être déçu du résultat. On peut aussi se dire que sans ça, on trouverait des prépas encore plus concentrées socialement", constate Damien Framery, tout en admettant un modèle "perfectible".

Beaucoup de professeurs prennent leur bâton de pèlerin pour faire connaître les prépas à des lycéens qui ignorent leur existence. (D. Framery, APPLS)

Il pointe aussi la difficulté d’agir sur les choix d’orientation préalables à la prépa, au lycée et au collège. En 2021, par exemple, les classes préparatoires ont été plus demandées sur Parcoursup mais les prépas de proximité ont peiné à recruter dans les filières B/L et économiques. Pour cause, la spécialité mathématiques au lycée est fortement recommandée pour entrer dans ces filières mais 42% des élèves n'ont plus de cours de maths en terminale avec la réforme du bac.

L’étude de 2019 décrit un "marché à deux vitesses" des classes préparatoires avec d’un côté, des prépas sélectives dont les élèves intègrent les meilleures écoles. De l’autre, des classes de proximité, moins demandées, dans lesquelles les élèves intègrent des écoles "de second rang". Mais cela ne pose pas de problème à l’UPS : "il y a des écoles remarquables en dehors de l’ENS et de Polytechnique qui elles ne concernent qu’une minorité d’étudiants".

Un défaut d'attractivité des prépas de proximité

Malgré leurs avantages, les prépas de proximité, rarement demandées en premier vœu, se heurtent à un défaut d’attractivité. Il ne suffit pas de convaincre les élèves qui n’osent pas se lancer, il faut aussi inciter ceux qui ont un bon niveau à ne pas forcément partir loin. Les professeurs de classes préparatoires le martèlent, mais le message passe mal : "Il ne faut pas être aveugle au classement, les prépas les mieux classées ne le sont que parce qu’elles recrutent de manière plus sélective", insiste Denis Choimet.

Les prépas les mieux classées ne le sont que parce qu’elles recrutent de manière plus sélective. (N. Choimet, UPS)

Peu importe les résultats d’intégration, les "petites" prépas remplissent donc leur rôle, défend l’APPLS. "Leur appliquer une grille de rentabilité, ce serait contradictoire avec l’idée d’un accès au plus grand nombre". Pour les maintenir, "beaucoup de professeurs prennent leur bâton de pèlerin pour faire connaître les prépas à des lycéens qui ignorent leur existence ou pensent que ce n’est pas pour eux", raconte Damien Framery. "Il faudrait une politique plus incitative", insiste le président de l’UPS. Parfois, un professeur suffit à décider un étudiant pour la prépa. Et malgré les partenariats existants entre certaines classes prépas et des établissements d’éducation prioritaire, ce type de relais fait encore défaut.

Juliette Chaignon | Publié le