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Sarah El Haïry, secrétaire d'Etat, au JDD : "50.000 jeunes feront le service national universel l'an prochain"

Pour la première fois, trois sessions sont prévues en 2022. Mais pour passer à 700.000 adolescents, il faudra attendre. 

Aude Le Gentil , Mis à jour le
Sarah El Haïry, le 27 octobre.
Sarah El Haïry, le 27 octobre. © AFP

Cinquante mille jeunes, trois sessions et un budget de 110 millions d'euros. Après un premier essai auprès de 2.000 volontaires en 2019 , une session avortée en 2020 puis un nouveau départ avec 15.000 participants l'été dernier, le service national universel (SNU) va monter en puissance. L'objectif, assure la secrétaire d'État chargée de la Jeunesse et de l'Engagement, Sarah El Haïry, est bien de généraliser le dispositif à toute une classe d'âge. Une promesse d'Emmanuel Macron qui devra attendre un éventuel deuxième mandat.

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Quel bilan tirez-vous de l'édition 2021 du SNU?
Il s'agissait de la première édition en version large : pour la première fois, le service national universel a pu se tenir dans tous les départements au sein de 122 centres. En raison des protocoles sanitaires, nous avons accueilli un peu moins de 15.000 jeunes, mais nous avions reçu plus de 30.000 inscriptions! Cela montre qu'il y avait une réelle envie.

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Le SNU permet de créer ce qui n'existe plus : un grand moment de mixité sociale et ­territoriale

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Comment le SNU va-t-il évoluer en 2022?
Nous allons passer une étape structurante : 50.000 jeunes feront leur service national universel l'an prochain. Pour la première fois, nous allons leur proposer trois dates d'inscriptions – en février, juin et juillet – afin de permettre à davantage de jeunes de vivre cette aventure. Ceux qui n'avaient pas pu participer l'an passé seront informés dès l'ouverture des inscriptions, le 8 novembre. On marche à grand pas vers la généralisation. A terme, le projet est que l'ensemble d'une classe d'âge puisse bénéficier du SNU : soit plus de 700.000 jeunes chaque année.

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L'objectif de 50.000 jeunes est-il facilement atteignable?
J'en suis convaincue. J'ai constaté l'énergie de l'édition 2021 : neuf jeunes sur dix se disent satisfaits ou très satisfaits et le bouche-à-oreille est le meilleur moyen de faire venir des jeunes. Leur motivation première était de rencontrer de nouvelles personnes. J'y vois une belle manière de faire République. Le SNU permet de créer ce qui n'existe plus : un grand moment de mixité sociale et ­territoriale.

Lire aussi - Gabriel Attal : "Le service national universel n'est ni une colo ni le bagne"

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Justement, le premier bilan montre une mixité encore limitée, avec notamment une sous-représentation des enfants d'ouvriers et d'employés ainsi que des élèves des voies professionnelles. Comment les attirer?
Lorsque le SNU sera généralisé, la question ne se posera plus. D'ici là, il y a des jeunes qu'il faut aller chercher. Nous allons renforcer notre travail auprès des associations, dans les quartiers prioritaires et les territoires ruraux notamment, mais aussi auprès des maisons départementales pour les personnes handicapées. La mixité est la condition de la réussite du SNU. Si on veut construire une société de l'engagement, si on veut forger les ressorts du vivre-ensemble, il faut ces temps de rencontre. Pendant leur séjour, les jeunes échangent avec des bénévoles de la SPA [Société protectrice des animaux], avec des pompiers, avec des personnes engagées… Leur présenter tous ces parcours de citoyenneté, sans les hiérarchiser, c'est une autre forme de rencontre avec la République et une manière de réduire les inégalités de destin.

Le contenu du séjour de cohésion va-t-il évoluer?
Nous allons améliorer les ­modules pour être encore plus dans la pratique. Je pense notamment à celui sur le développement durable, qui a été le moins plébiscité. En réalité, le socle de connaissances des jeunes était déjà important. Ils avaient envie d'agir, par exemple en ramassant les déchets sur les plages. Dans l'optique de lutter contre l'abstention, nous allons aussi renforcer le module consacré à la citoyenneté par des simulations de conseils municipaux ou du Parlement européen. Les jeunes ont été très friands de ces exercices concrets.

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Nous allons renforcer la formation des adultes encadrants afin qu'ils puissent mieux détecter les jeunes en situation de détresse

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Comptez-vous apporter d'autres changements?
Nous allons renforcer la formation des adultes encadrants afin qu'ils puissent mieux détecter les jeunes en situation de détresse. Le séjour de 2021 a en effet déjà permis d'identifier des jeunes en difficulté, par exemple à travers les bilans de santé et les tests d'illettrisme et d'illectronisme, et nous voulons renforcer cet aspect positif du SNU.

La deuxième phase, qui consiste en une mission d'intérêt général auprès d'une association ou d'une collectivité, va-t-elle aussi évoluer?
Désormais, tous les participants se verront proposer au minimum une mission près de chez eux, libre à eux d'en choisir une autre. Nous constations des inégalités entre les territoires, à l'image du tissu associatif. Pour ne laisser aucun jeune dans la difficulté, j'ai écrit à tous les maires des communes qui comptent un jeune ayant participé au SNU, pour les inciter à proposer eux aussi des missions.

Quand le SNU deviendra-t-il obligatoire?
L'obligation devra passer par un débat parlementaire, mais pas sous cette législature. Ma mission est de préparer cette généralisation en déterminant l'investissement nécessaire ou encore les besoins en immobilier. J'ai par exemple demandé à l'inspection générale un rapport qui dresse l'état des lieux de l'immobilier de l'Etat. Ce sera en tout état de cause progressif. On peut dire que 2022 sera une répétition générale. 

Votre prédécesseur, Gabriel Attal, avait évoqué des effectifs de 200.000 à 300.000 jeunes dès 2022 et une généralisation dès 2023 ou 2024. Pourquoi ce retard?
Pour une raison simple : la crise sanitaire a annulé l'édition de 2020, sauf en Nouvelle-Calédonie, et a réduit les effectifs de la session 2021.

Quel sera le budget de cette troisième édition?
Il sera de 110 millions d'euros, soit 2 200 euros par jeune. Nous sommes en train de recruter 80 personnes supplémentaires pour renforcer les services qui portent le SNU au niveau départemental.

L'étude de l'Injep souligne le cas des "faux volontaires", qui se disent moins satisfaits de leur séjour et adhèrent moins aux ­valeurs du SNU, comme l'uniforme et le lever des couleurs. Est-ce un signal inquiétant avant une possible généralisation?
Parmi ces jeunes qui ne voulaient pas participer au SNU et que les parents ont souvent contraint, 7 sur 10 se disent satisfaits ou très satisfaits du SNU et le recommanderaient à un ami. On peut faire mieux, mais c'est rassurant. Cela veut dire qu'ils ont, malgré tout, tiré profit de cette expérience. Par ailleurs, plus on avance vers la généralisation, plus on améliore le contenu des modules et la formation des encadrants. Concernant l'uniforme, les jeunes en sont très fiers! Il permet de gommer certaines inégalités et favorise la mixité et le sentiment d'appartenance.

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Nous semons des graines de bénévolat

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Pourquoi avoir choisi d'organiser une partie des séjours sur le temps scolaire?
Le SNU n'est pas en concurrence avec le temps scolaire, c'est un temps d'apprentissage différent et complémentaire, que nous construisons avec Jean-Michel Blanquer. Il s'agit aussi de reconquérir le mois de juin, lorsque les secondes terminent l'année scolaire. Les lycéens manqueront au maximum une semaine de cours.

Parmi les motivations avancées par les jeunes, "développer la culture de l'engagement bénévole" arrive en avant-dernière position. N'était-ce pas pourtant l'objectif initial?
Ma mission, c'est de développer une culture de l'engagement à l'issue du séjour, pas avant. Qu'un jeune participe au SNU pour rencontrer de nouvelles personnes, pour faire du sport, pour enrichir son CV… Cela me va. Certains sont aussi attirés par la discipline et ont besoin de repères. Nous semons des graines de bénévolat. Récemment, j'ai par exemple rencontré un jeune et sa mère. Celle-ci m'a dit : ' En quinze jours, il a grandi de deux ans.' Après son séjour de cohésion, ce garçon a décidé de rejoindre l'association où sa mère était déjà bénévole. Le SNU a été un déclic. C'est aussi l'objectif de la phase 2.

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