C’est un paradoxe qui en dit long. La France, régulièrement classée première destination touristique par l’Organisation mondiale du tourisme, ne figure pas parmi les pays les plus prisés des étudiants qui veulent se former dans ce domaine. Chaque année, divers organismes – QS Top Universities, CEO World Magazine et Education.com – publient des listes des meilleurs diplômes internationaux spécialisés dans le tourisme et les métiers de l’accueil. Aucune formation française ne figure dans ces palmarès. Comme le soulignait, en 2019, le rapport de la mission d’information sur le tourisme de l’Assemblée nationale, « la filière touristique reste, malgré de récents progrès, globalement déconsidérée dans le système éducatif français ».
Il faut dire que la discipline « tourisme » n’est pas reconnue par le Conseil national des universités, l’organisme qui pilote les carrières des enseignants-chercheurs dans l’Hexagone. Plusieurs universités proposent des cursus spécifiques, mais le tourisme n’est pas envisagé comme un domaine de recherche à part entière. « Dans le milieu de la recherche, j’entends souvent cette expression : “La tourismologie n’existe pas.” Pourtant, j’ai des amis docteurs en tourisme en Espagne, aux Etats-Unis, en Italie », regrette Sophie Lacour, docteure en sciences de l’information, qui a soutenu une thèse sur l’innovation territoriale dans le tourisme.
Si elle s’enorgueillit de son nouveau poste de responsable de la chaire tourisme à l’Esthua (université d’Angers), la conférencière et consultante compte de nombreux amis qui « n’osent même pas dire qu’ils ont un master en tourisme, car on se moque d’eux ». « A l’école, quand vous êtes mauvais, on vous traite de “touriste”. J’ai enseigné pendant quinze ans, et j’ai été parfois atterrée par le niveau des étudiants, qui s’orientent dans cette filière par défaut. L’image académique du secteur est déplorable. »
Alors que la Suisse rayonne à l’échelle internationale grâce à la prestigieuse Ecole hôtelière de Lausanne, les formations françaises restent méconnues
Des BTS tourisme aux bachelors, des licences aux écoles supérieures, la France dispose pourtant d’une « offre pédagogique qualitative et pléthorique », rappelle Pierre-Frédéric Roulot, grand patron de Louvre Hotels. Cependant, alors que la Suisse voisine rayonne à l’échelle internationale grâce à la prestigieuse Ecole hôtelière de Lausanne, les formations françaises restent méconnues, déplore le nouveau président de la Conférence des formations d’excellence au tourisme, une association créée en 2015 pour promouvoir le rayonnement des établissements français dispensant des formations dans le domaine du tourisme : « L’école de Lausanne, ce sont en réalité une vingtaine d’établissements qui parlent d’une même voix. En France, la filière est éclatée, avec un grand nombre d’acteurs insuffisamment regroupés. »
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