
Depuis 2014, en France, cinq cents à six cents doctorants exposent, chaque année, leurs travaux de recherche en trois minutes « à un auditoire profane et diversifié », lors d’un concours en plusieurs phases, régionale, nationale et internationale. Baptisé « Ma thèse en 180 secondes » ou « MT180 », ce dispositif a fait l’objet d’une étude sociologique, tirée de quatre cents questionnaires et d’une quarantaine d’entretiens de candidats et d’organisateurs.
Deux des trois auteurs de Ma thèse en 180 secondes. Quand la science devient spectacle (Ed. du Croquant, illustrations de Rose Frances, 380 pages, 20 euros), les sociologues Stéphane Le Lay (Institut de psychodynamique du travail) et Jean Frances (Ensta Bretagne) en détaillent le contenu.
Pourquoi s’intéresser à MT180 ?
Stéphane Le Lay : Dès le début sont apparues des critiques, auxquelles nous pouvions souscrire, qui présentaient ce concours comme un dévoiement de la recherche, sa spectacularisation, ou comme le résultat de réformes néolibérales du monde scientifique… Beaucoup voyaient ce concours comme imposé de l’extérieur, ayant même un lien avec des politiques décriées dites « du nouveau management des services publics ». Des confrères trouvaient même absolument sans intérêt d’étudier cet objet. Mais la sociologie automatique a ses limites ! Quand on donne la parole aux acteurs pour comprendre ce qu’ils pensent de ce qu’ils font, on se rend compte que c’est infiniment plus riche que ce qu’on peut en dire de l’extérieur. J’y voyais aussi un nouveau terrain d’étude de ce qu’on appelle la « gamification » ou ludification au travail, une de mes spécialités.
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