Si des votes à bulletin secret pouvaient se traduire en image, une haie d’honneur se serait levée au passage de Mathias Vicherat devant le cénacle des deux conseils de gouvernance de Sciences Po, qui ont adoubé le candidat de 43 ans (par 21 voix sur 28 et par 19 voix sur 23), les mardi 9 et mercredi 10 novembre.
Les deux autres candidats, la directrice de recherche au CNRS Christine Musselin et l’administrateur général du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), Olivier Faron, n’ont recueilli respectivement, mercredi, que trois et une voix et, la veille, deux voix chacun.
Un énarque chasse l’autre à la tête de l’établissement de 14 000 étudiants, 4 500 enseignants (dont près de 300 permanents) et quelque 1 000 salariés, qui vient de subir une longue crise, l’ancien directeur, Frédéric Mion, ayant été contraint de démissionner, le 9 février, pour avoir dissimulé les accusations d’inceste visant le politologue Olivier Duhamel, président de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). De manière inédite depuis 1945, l’institut a été privé de ses deux têtes pendant deux mois, jusqu’à ce que l’historienne de l’art Laurence Bertrand Dorléac succède à Olivier Duhamel, le 9 avril.
A travers leurs votes, les conseils de l’Institut d’études politiques et de la FNSP ont envoyé un message d’espoir à l’adresse d’un candidat dont l’expérience professionnelle ne laissait aucunement présager qu’il prenne les rênes d’un établissement d’enseignement supérieur. Ce choix apparaît d’ailleurs comme une « aberration » pour nombre d’universitaires, qui attendaient une cohérence entre le slogan affiché par Sciences Po d’être une « université sélective de recherche de rang mondial » et la réalité de sa gouvernance, où les profils académiques disparaissent.
« Il a effacé son handicap de départ »
Passé par le filtre du chasseur de têtes américain Russell Reynolds – missionné par la commission de sélection des candidatures –, Mathias Vicherat a « impressionné » le jury à chacun des trois entretiens décisifs. « L’audition a joué comme un effet de vérité, selon Laurence Bertrand Dorléac. La commission de sélection a été empirique : on juge à partir des candidats et pas à partir de la théorie. » Exit la rigidité des critères de la fiche de poste, où une capacité à « anticiper des évolutions du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche » ainsi qu’une « expérience de responsabilité dans un établissement » étaient requises.
« Il a impressionné par sa capacité à apprendre rapidement, ce qui a effacé son handicap de départ », déclare un des membres de la FNSP
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