Handicap : le difficile avènement d'une société inclusive. Avec Charles Gardou et Pascaline Bon

Des accompagnateurs d'élèves handicapés (AESH) lors d'une manifestation contre les réformes du ministère de l'Éducation nationale à Paris, le 19 octobre 2021 ©AFP - JULIEN DE ROSA
Des accompagnateurs d'élèves handicapés (AESH) lors d'une manifestation contre les réformes du ministère de l'Éducation nationale à Paris, le 19 octobre 2021 ©AFP - JULIEN DE ROSA
Des accompagnateurs d'élèves handicapés (AESH) lors d'une manifestation contre les réformes du ministère de l'Éducation nationale à Paris, le 19 octobre 2021 ©AFP - JULIEN DE ROSA
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Alors que le gouvernement tente de sensibiliser les Français à la cause du handicap, les associations demandent des mesures plus concrètes.

Avec
  • Charles Gardou Il est anthropologue, professeur à l’université Lumière Lyon2 et enseignant à l’Institut de Sciences Politiques de Paris . il est auteur de «La société inclusive, parlons-en, il n’y a pas de vie minuscule » Ed ERES. AINSI QUE DE : « Pascal, Frida Khal...
  • Pascaline Bon AESH (accompagnante d’élèves en situation de handicap) et représentante syndicale

Les questions liées à l’inclusion des personnes handicapées dans la vie collective sont traversées en ce moment par des contradictions et des polémiques frappantes : si le gouvernement a entamé ce lundi une nouvelle campagne de sensibilisation dont il considère qu’elle est la plus ambitieuse depuis seize ans, le lendemain, de nombreux accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ont défilé pour demander une meilleure valorisation de leur activité professionnelle. La faible reconnaissance de cette dernière traduit aussi indirectement, à leurs yeux, un manque d’attention aux situations de handicap elles-mêmes. 

Les personnes qui s’engagent pour une meilleure condition des personnes handicapées se montrent par ailleurs plus généralement critiques à l’égard de la politique gouvernementale en la matière. 

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Charles Gardou est anthropologue, professeur à l’Université Lumière Lyon 2, directeur de la collection « Connaissances de la diversité » (Erès), spécialiste des questions liées à la vulnérabilité humaine, particulièrement des situations de handicap. Il est notamment auteur de La Société inclusive, parlons-en (Erès, 2012). 

Pascaline Bon est AESH (accompagnante d’élèves en situation de handicap) et représentante syndicale. 

Ce qu'est le handicap

Comment définir le handicap ? A partir de quels éléments penser cette question ?

Sa définition a beaucoup évolué. Nous étions préalablement très centrés sur les défaillances du corps et de l'esprit chez la personne, sur laquelle on se concentrait. Cela déresponsabilise, en même temps, les sociétés. Peu à peu, nous avons pris en compte à la fois la difficulté de la personne et les effets de l'environnement. Du coup, dans la définition, on en conclut que le handicap est la résultante de la difficulté de la personne et d'un contexte soit minorant, soit facilitant, qui vient donc soit minorer, soit augmenter la déficience. Cela fait du handicap une situation qui résulte de ces deux facteurs. Charles Gardou

Vers une société inclusive ?

Y a-t-il eu des étapes particulières dans la reconnaissance du handicap en France ?

D'abord, une loi majeure, c'est la "loi d'orientation sur le handicap" de 1975, la loi dite Veil, et trente ans après, la loi de 2005 qui vient renforcer la première. Ce qui a créé l'événement, c'est la Convention internationale des droits des personnes handicapées à l'ONU. Cette Convention, signée par la France dès 2005, est un instrument juridiquement contraignant, qui a primauté sur le droit. Ce qu'elle demande, c'est d'aller vers une société inclusive, c'est-à-dire une société qui offre des droits à chacun sans exception : droit à l'école, à la culture, à l'art, au travail... Tous les articles de cette Convention sont précis et demandent l'accès à une société perméable aux difficultés adaptatives. Charles Gardou

Que serait une société vraiment inclusive ?

Je crois qu'il ne faut pas confondre. Il y a aujourd'hui une sorte de "fièvre inclusionniste", une volonté de faire de l'inclusion. Mais étymologiquement, "inclusion" renvoie à l'enfermement. Le mot est gênant car il renvoie à un élément extérieur à un système qui pourrait le perturber. C'est donc un mot qui n'a pas de sens en lui-même. Une société n'a pas besoin de faire de l'inclusion en un sens mécanique et égalitariste, avec les mêmes moyens au même moment pour tout le monde. Je préfère parler de "société inclusive", pour l'opposer à une société qui maintient des exclusivités en matière de droit, d'éducation, de travail... Notre société doit s'interroger sur des formes de privilèges qui perdurent. Au fond, l'adjectif "inclusif" réactive le sens d'origine du mot "société", qui signifie d'abord "alliance". Charles Gardou

La mobilisation des AESH

En quoi consiste le travail des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ?

Je suis AESH dans un dispositif qui s'appelle la classe-relais : je suis AESH collective, je travaille avec plusieurs élèves dans la classe. Il y a aussi des AESH mutualisés (qui s'occupent d'élèves individuels, dans une classe), et des AESH individualisés (qui s'occupent d'un seul élève le temps d'une prescription indiquée). Pascaline Bon

Et ce 19 octobre, les AESH ont été en grève. Pourquoi ont-ils décidé de ce mouvement social ? 

Parce que c'est un beau métier, mais qu'il n'est pas du tout reconnu par le Ministère. Nous avons des moyens constants pour des besoins qui augmentent. Les enfants handicapés ne sont pas tous accompagnés par les AESH, alors que c'est un droit. La mutualisation des contrats des AESH dégrade l'accompagnement, parce que les contrats sont précaires. On demande aussi un salaire digne de notre métier, car souvent, quand le SMIC augmente, on se retrouve en-dessous du seuil de la pauvreté. Pascaline Bon

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