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Témoignage

« J'ai décidé de ne pas faire d'études après mon bac et ai ouvert un dépôt-vente de vêtements »

TEMOIGNAGE // Au lycée, Louise Dindault était sûre d'une chose : elle ne voulait pas faire d'études supérieures. Son bac L en poche, elle s'est lancée dans un service civique, avant de reprendre un dépôt-vente à Riom, dans le Puy-de-Dôme. L'Auvergnate de 22 ans raconte.

Louise Dindault, 22 ans, a repris un dépôt-vente à Riom début 2020.
Louise Dindault, 22 ans, a repris un dépôt-vente à Riom début 2020. (Adie/Fabrice Dall'anese)

Par Chloé Marriault

Publié le 22 nov. 2021 à 12:03Mis à jour le 13 févr. 2023 à 16:19

« Mes années lycée à Riom ont été compliquées. J'avais du mal avec le fait qu'une personne censée détenir le savoir distille ses connaissances à toute une classe qui passe sa journée assise à écouter des cours.

Et je m'interrogeais sur l'intérêt de ce qu'on nous faisait apprendre. En maths, par exemple, j'avais beau tenter d'apprendre comment marchaient les fonctions, je n'en retenais rien. Je me demandais en quoi ça me serait utile dans la vie, et me disais qu'il serait peut-être plus pertinent de nous apprendre des notions comme la bienveillance, le respect et le partage.

« Avec ou sans approbation »

Je ne savais pas du tout ce que je voulais faire plus tard, mais j'étais sûre d'une chose : je ne souhaitais pas faire d'études supérieures. En terminale, tous mes camarades de classe ont indiqué leurs voeux sur la plateforme d'orientation APB (admission post-bac). Moi pas.

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Mes profs me disaient : « Allez Louise, mets au moins un voeu au cas où… » J'ai refusé. Je ne voulais pas prendre momentanément la place de quelqu'un qui serait stressé d'être sur liste d'attente alors que j'étais sûre de ne pas vouloir faire d'études. Mes parents, eux, m'ont soutenue. Peut-être parce qu'ils savaient qu'avec ou sans leur approbation, je n'en ferais qu'à ma tête (rires).

Six mois en service civique

J'ai décroché mon bac L avec une mention assez bien, sans avoir de réelle perspective. Je ne voulais pas végéter chez moi, alors, je suis allée à la mission locale de Riom pour leur indiquer que je cherchais un emploi. On m'a dit que le Carrefour du coin avait besoin de bras. J'ai essayé mais j'ai démissionné au bout de deux mois et demi, convaincue que cela n'était pas fait pour moi sur le long terme.

Nouveau passage à la mission locale, où j'explique cette fois-ci que je cherche une mission dans le social. On me recommande de faire un service civique de six mois dans un Centre d'accueil de demandeurs d'asile géré par l'Etat et par Emmaüs, non loin de chez moi. Bingo.

« J'aimais les voir repartir avec le sourire »

Là-bas, je suis chargée du vestiaire. Des gens nous faisaient des dons, et les vêtements étaient revendus pour quelques euros. Je mobilisais les demandeurs d'asile pour me donner un coup de main, histoire de les occuper dans la journée. J'aimais les voir repartir avec le sourire et un vêtement qui leur allait bien.

Je me suis alors rendu compte que le commerce me plaisait bien, que j'appréciais fidéliser la clientèle, la conseiller, manager une équipe, organiser la boutique.

Une fois ce service civique terminé, j'ai suivi une formation en économie sociale et solidaire d'environ deux mois au Crefad de Saint-Etienne, une association d'éducation populaire. Je m'imaginais ouvrir une friperie culturelle, mais cela nécessitait une belle somme d'argent que je n'avais pas.

Reprendre une boutique

A la suite de cette formation, il fallait faire un stage à l'étranger. Je me suis envolée pour la Grèce, dans un centre de formation pour réfugiés à Athènes. Là-bas, j'étais chargée du département couture. Je supervisais l'atelier et me rendais sur les marchés et dans les boutiques pour voir ce qu'il était stratégique de produire. Une expérience de six mois passionnante… et durant laquelle j'ai rencontré mon compagnon syrien !

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Là-bas, j'ai échangé par téléphone avec Cécile, la gérante d'un dépôt-vente à Riom où j'avais fait mon stage de troisième. Elle cherchait un ou une repreneuse. Je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais de tenter ! Mes expériences passées m'avaient confirmé mon appétence pour le commerce et les vêtements.

Un prêt de l'Adie

De retour en France, j'ai rencontré deux banques pour demander un prêt de 3.000 euros, en vue de racheter le fonds de commerce et rafraîchir la boutique de 50 mètres carrés, accompagnée d'une arrière-boutique de 10 mètres carrés. Pas de nouvelles… L'Espace Info Jeunes de Clermont-Ferrand m'a recommandé de me tourner vers l'Adie, une association dont le but est de permettre à des personnes qui n'ont pas accès aux prêts bancaires classiques de créer leur entreprise grâce à un microcrédit et d'être accompagnés.

L'Adie m'a accordé cette somme, grâce à laquelle j'ai lancé mon entreprise en mars 2020. Le principe : des particuliers me déposent leurs vêtements. Si ceux-ci se vendent, ils récupèrent la moitié du prix de vente, moi l'autre moitié. Si le vêtement ne se vend pas, ils peuvent le récupérer, ou me le laisser pour que j'en fasse don à une association partenaire de la boutique.

Une entreprise viable

Ma première année d'activité a été chamboulée par les différents confinements. Au départ, je travaillais en parallèle un jour et demi par semaine dans un centre de loisirs, pour être sûre d'avoir au moins un petit revenu. J'ai abandonné ce travail en avril 2021 et arrive à me dégager un salaire grâce à la boutique depuis.

J'aime beaucoup le fait de pouvoir m'organiser comme je l'entends et prendre des initiatives sans avoir à obtenir le feu vert de quelqu'un au-dessus de moi. En décembre par exemple, j'ai proposé à des artisans d'exposer gratuitement dans ma boutique.

Le plus difficile pour moi dans l'entrepreneuriat ? La charge administrative. J'ai par exemple reçu un courrier d'huissiers m'indiquant que je n'avais pas déclaré ma Cotisation foncière des entreprises, avec une pénalité énorme à régler. Je ne savais même pas que ça existait ! Je les ai appelés, paniquée, et on a réglé ça sans que je n'aie à payer de pénalité, mais c'est parfois compliqué émotionnellement de devoir faire face à toute cette paperasse.

Pour l'heure, je vends seulement des vêtements pour femme. J'aimerais bien ouvrir une boutique destinée aux hommes. A l'heure des plateformes de vente en ligne comme Vinted, je suis convaincue de l'intérêt des boutiques physiques, avec un contact humain, des conseils, et très peu d'intermédiaires.

Mon rêve : lancer une friperie culturelle, un espace hybride où il y aurait des vêtements, mais aussi des expos, des concerts… Je ne sais pas exactement où. Mais plutôt dans une ville comme Riom, un endroit entre la grande ville et la campagne où tout est possible. »

Propos recueillis par Chloé Marriault

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