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Décryptage

Covid : dans les collèges et lycées, « une détérioration massive de la réussite scolaire »

Dans le second degré, deux tiers des chefs d'établissement estiment que la crise sanitaire a « fortement dégradé les résultats scolaires », selon une étude à laquelle près de la moitié d'entre eux ont répondu. « L'autonomie est bafouée », estiment-ils aussi, en évoquant avec intérêt la piste d'une « rémunération au mérite ».

Pour 54 % des chefs d'établissement, la crise sanitaire a « dégradé » les relations avec les parents.
Pour 54 % des chefs d'établissement, la crise sanitaire a « dégradé » les relations avec les parents. (Sebastien Ortola/Rea)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 6 déc. 2021 à 17:55

C'est une plongée au coeur des collèges et lycées telle que la vivent, au quotidien, les chefs d'établissement. Une vaste enquête a été menée entre le 16 mars et le 6 mai derniers auprès d'eux par le chercheur Georges Fotinos, avec le principal syndicat de chefs d'établissement (SNPDEN) et la banque coopérative de la fonction publique (Casden). Au total, 4.400 proviseurs de lycées et principaux de collèges y ont répondu, soit 47 % des établissements publics du secondaire et 76 % des élèves.

« La crise a fortement dégradé les résultats scolaires, souligne Georges Fotinos. Il y a une détérioration massive de la réussite. » Elle est signalée par 67 % des chefs d'établissement, alors qu'ils n'étaient que 29 % à le faire en 2008, indique-t-il. « Le bilan des conseils de classe de seconde révèle un effondrement du niveau en lettres, en mathématiques et de gros soucis d'anxiété chez nos jeunes », approuvait vendredi l'un des 300 chefs d'établissement réunis pour la présentation de l'enquête.

Une aggravation du décrochage

On y lit aussi que pour 80 % de ces responsables, le décrochage scolaire s'est aggravé. « On nous demande de lutter contre le décrochage des élèves notamment en voie professionnelle, mais cela ne dérange personne que ces mêmes élèves passent cinq mois sans professeur de mathématiques ou trois mois sans professeur de français », grince une proviseure.

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Il faudra « étayer ces études sur la réussite des élèves », a réagi vendredi le représentant du ministère de l'Education nationale, Pierre Moya. Le directeur de l'encadrement du ministère a préféré insister sur « le système centralisé français (qui) a permis de garder les écoles ouvertes » durant l'épidémie de Covid.

Selon l'étude, pour 54 % des chefs d'établissement, la crise sanitaire a aussi « dégradé » les relations avec les parents. « Il faut renouer le lien avec les familles », plaide Georges Fotinos. Les relations des chefs d'établissement se sont aussi détériorées avec les enseignants (33 %), avec les collectivités locales (22 %) et avec leur hiérarchie.

Charge de travail

Sur ce dernier point, ils sont 40 % à en faire état, contre 28 % en 2010. « La charge de travail est toujours plus importante, avec des injonctions toujours plus nombreuses et sans aucune reconnaissance ni moyens supplémentaires », regrette une principale de collège.

« La crise a appelé des réponses rapides, elle était prescriptive », justifie le directeur académique des Yvelines, Luc Pham. « La crise Covid a bon dos ! s'emporte un chef d'établissement. Les conditions de travail se dégradent d'année en année, avec une montée en puissance inquiétante des contrôles, des enquêtes et d'un volet administratif chronophage. »

Une enquête du ministère

Le ministère a annoncé vendredi qu'il lancerait, en janvier, une enquête sur le bien-être des personnels de l'Education nationale. Elle concernera 200.000 agents en 2022 et 2023 puis sera reconduite tous les deux ans. Des « revalorisations non négligeables vont être mises en oeuvre en 2021-2022 », même si elles ne sont « pas suffisantes », tente-t-on de rassurer au ministère.

Au-delà du volet salarial, le malaise vient de « la multiplication des injonctions, qui font que l'autonomie est bafouée », confie aux « Echos » Bruno Bobkiewicz, le secrétaire général du SNPDEN. Il évoque les multiples « référents » (sur le harcèlement, l'égalité hommes-femmes, le développement durable…) qui sont censés décharger les chefs d'établissement. « Tous les dossiers sont prioritaires et dotés d'un référent, pour lesquels on reçoit des notes injonctives mais aucun moyen financier, s'agace Bruno Bobkiewicz. On a atteint la limite du volontariat. »

L'heure est-elle à « la rémunération au mérite » ? « La piste des indemnités et des primes est régulièrement évoquée, mais encore faut-il avoir des marges financières pour le faire, ce qui n'est pas le cas pour l'instant », complète-t-il. Au ministère, on indique que « l'autonomie est à construire avec » les chefs d'établissement, pour avoir « des équipes de direction étayées », sans plus de précisions.

Marie-Christine Corbier

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