EXCLUSIF - Discriminations au travail : les jeunes particulièrement touchés
Plus d'un tiers des jeunes sondés pour le Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail disent avoir vécu une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire lors de leur recherche d'emploi ou dans leur carrière.
« Je me suis rendue compte […] que l'employé homme touchait plus que moi alors que nous faisions le même travail. » « Avec une amie ayant un patronyme français, nous avons envoyé mon CV, mais avec son nom et ses coordonnées, et elle a été rappelée, pas moi. » Ces témoignages recensés dans la 14e édition du baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi du Défenseur des droits et l'Organisation internationale du travail centrée sur les jeunes ne sont pas des exceptions.
L'étude réalisée par Ipsos auprès de 3.201 personnes de 18 à 34 ans du 7 au 26 juillet sera rendue public ce mardi. Elle montre que 37 % des jeunes d éclarent avoir déjà vécu une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire dans le cadre de leur recherche d'emploi ou de leur carrière. Près de 2 sur 5, c'est beaucoup dans l'absolu… C'est aussi beaucoup par rapport à la proportion toutes classes d'âge confondues qui est un peu supérieure à 20 % .
Répercussions psychologiques
L'âge est un des principaux motifs de discrimination subie cité par les sondés, âgés de 18 à 34 ans. Il est évoqué par 23 % des personnes interrogées. Mais il n'est pas le plus cité : il arrive derrière le sexe (25 %), à quasi égalité avec l'apparence physique (22 %). Evoquée dans 16 % des cas, l'origine vient ensuite devant la situation familiale, la nationalité et la grossesse.
S'ils sont nombreux à se sentir concernés par les discriminations, tous les jeunes ne sont pas exposés de la même façon. Certains les cumulent. Sont ainsi particulièrement exposées les jeunes femmes perçues comme non blanches ayant des revenus nets mensuels inférieurs à 1.300 euros et les jeunes femmes qualifiées occupant un poste élevé.
Mais la proportion de jeunes déclarant avoir subi des propos stigmatisants ou des demandes discriminatoires lors d'un entretien pour un poste ou une promotion est impressionnante : 60 % déclarent avoir vécu l'une ou l'autre des situations et 40 % les deux. Avec des conséquences professionnelles, des répercussions émotionnelles et psychologiques qui peuvent être importantes.
Enjeu
Pourtant, beaucoup de jeunes n'osent pas réagir : « Plus de 4 jeunes sur 10, victimes de discrimination (une femme sur deux même), n'ont rien dit ni fait pour la moitié d'entre eux parce que cela n'aurait rien changé, 26 % parce qu'ils avaient peur des représailles et 34 % parce qu'ils ne savaient pas quoi faire », souligne la Défenseure des droits Claire Hédon, aux « Echos », qui pointe l'importance de l'enjeu « alors que la jeunesse a payé un lourd tribut à la crise ».
« La plateforme anti-discrimination créée en février dernier vise à lutter contre ce non-recours aux droits », rappelle-t-elle. « Par téléphone, mail, chat, il faut nous contacter, des juristes sont là pour examiner la situation au cas par cas, informer, conseiller et ils prennent le temps qu'il faut pour ça », insiste-t-elle, appelant aussi « les employeurs publics et privés à élaborer des plans de lutte contre les discriminations qui n'oublient pas les jeunes ».
Leïla de Comarmond