Le monde de la « supply chain » – la « chaîne d’approvisionnement », dans le vocabulaire grand public ou presque – a en commun avec la chirurgie esthétique de n’attirer l’attention que lorsqu’il y a un dysfonctionnement. Une pandémie, un porte-conteneurs qui bloque le canal de Suez, des ados qui attendent leur PS5, et voilà cette organisation invisible de la logistique et des fournisseurs rentrée dans le vocabulaire courant.
Les chances d’être livré dans la journée n’ont jamais été aussi grandes, mais les risques de l’être dans un an aussi…
« Même ma grand-mère sait maintenant que la supply chain n’est pas un long fleuve tranquille », assurait ce lundi 6 décembre un entrepreneur du secteur sur la scène du Théâtre de Paris où se tenait, mais oui, la première Nuit de la supply chain, organisée dans la capitale plutôt que dans un entrepôt de Seine-et-Marne ou au cœur de la France logistique.
Quand tous les secteurs d’activité semblent désormais affectés par des risques de rupture d’approvisionnement, ça pouvait sembler gonflé d’organiser une telle soirée d’auto-célébration. Parmi « les grands noms de la supply » présents pour l’événement, Frédéric Pons, cofondateur de la société de transport Colis Privé (et à l’origine de la soirée), mais aussi Pierre Lestienne, directeur du développement logistique chez Alibaba, qui en profite pour glisser qu’Aliexpress est la cinquième plateforme d’e-commerce en audience en France, ou encore le général Stéphane Canitrot, commandant logistique de l’armée de terre, qui rappelle qu’Alexandre Le Grand était, à sa manière, le premier planificateur logistique de l’histoire.
La crise due au Covid-19 leur a à la fois appris l’humilité liée aux pénuries (« le masque, un truc que n’importe qui peut fabriquer et qui pourtant nous a mis par terre ») et confirmé à quel point ils étaient devenus essentiels à l’économie et à nos vies. La pandémie a dopé le commerce en ligne mais consolidé les frontières. Les chances d’être livré dans la journée n’ont jamais été aussi grandes, mais les risques de l’être dans un an aussi…
A quoi on les reconnaît
Ils arrivent à l’heure parce que c’est leur métier. Ils sont habitués à devoir expliquer ce qu’est leur travail. Alors qu’ils organisent des ravitaillements de Chine via Rotterdam les yeux fermés, tous leurs efforts tombent à l’eau si la concierge est absente : au point qu’ils seraient prêts à primer des start-up qui organiseraient des réseaux de voisins capables de réceptionner des colis. Ils sont obsédés par le « dernier mètre », comme on désigne le coût et la difficulté supplémentaire pour faire arriver les paquets à bon port. Leurs préoccupations quotidiennes puisent autant dans la science-fiction que dans de simples questions de bon sens : ils naviguent entre robots livreurs et palettes consignées, cargos à voile et systèmes pour bloquer les roues de camion lors des chargements. Ils insistent pour défendre les projets français, mais les chiffres d’Alibaba et d’Amazon leur donnent le tournis.
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